La représentation de l’animal dans l’art contemporain
Ma proposition est de montrer un choix d’œuvres d’artistes contemporains dont la pratique plasticienne est essentiellement axée sur l’utilisation de la figure animale, principalement en volume (autrement dit en sculpture).
De très nombreux artistes contemporains travaillent ou ont travaillé à partir de la représentation de l’animal. La richesse de l’offre est immense et le tri que j’en ai fait est totalement subjectif. Beaucoup d’autres artistes auraient pu être citées dans cette sélection.
Le thème de l’animalité est très présent en art contemporain. L’animal permet d’exprimer des états d’âme et des réflexions sur la condition humaine de façon indirecte. L’animal comme écran, miroir, prétexte à parle de l’humain.
Ce qui, me semble-t-il n’était pas le cas dans les époques antérieures. Tout au moins, pas de façon aussi explicite. L’animal, dans les siècles passés, porteur de symboles forts, était toutefois figuré dans son animalité primaire.
Avec l’art contemporain, l’animal se dissout dans l’humain et sa condition terrestre. Déjà présent dans les arts anciens, le thérianthrope devient une source d’inspiration récurrente, tout autant qu’elle le fût dans l’Égypte ancienne, pour d’autres raisons.
L’humour, la dérision ne sont pas absents et orientent la réaction du regardeur : encore une fois ; c’est bien de l’humain dont il s’agit.
Les représentations dominantes des animaux oscillent entre deux pôles : à un extrême se trouvent les animaux méprisés, exploités, objectivés, torturés, exterminés, tandis qu’à l’autre se rencontre une célébration des relations symbiotiques et d’identification, comme si tous les vivants appartenaient à une même grande famille. L’art contemporain n’échappe pas toujours à cette architecture générale. Je propose cependant de rechercher une troisième voie dont la portée serait plus éducative que celle des deux autres.
Damien Hirst
Artiste anglais né le 7 juin 1965 à Bristol. Controversé et hyper médiatisé, Hirst crée des installations qui confrontent le spectateur aux rapports existant entre l’art, la vie, la mort.
Il vit et travaille à Londres. Il a dominé la scène de l’art britannique dans les années 1990 en tant que membre du groupe des Young British Artists. En 1995, il est lauréat du prix Turner.
William Wegman
Né le 2 décembre 1943 à Holyoke, dans le Massachusetts, aux États-Unis, estun photographe d’art, renommé pour ses clichés mettant en scène ses chiens, des Braques de Weimar.
Qey 2017
Épreuves aux encres pigmentaires
111,8 x 86,4 cm
Édition 7/7, 2 EA
Then and Now 2017
Épreuves aux encres pigmentaires
76,2 x 58,4 cm
Édition 4/7, 2 EA
En substituant le chien à l’homme, il apparaît davantage comme un artiste conceptuel qui s’adapte, plutôt que celui qui se revendique. On dépasse l’image du simple « compagnon fidèle », le chien revêt ici les valeurs sociales et individuelles, entre conformisme et décalage. William Wegman reprend, renverse, flirte avec les codes et les mœurs de la société, sans pour autant avoir recours à une signification stricte à chaque photographie.
Dans ses photos, il montre aussi l’humanité de l’animal, ou inversement l’animalité de l’humain.
Annette Messager
Née en 1943 à Berck (Pas-de-Calais), est une artiste et plasticienne Française. Elle a notamment réalisé des installations incorporant diverses techniques artistiques dont la photographie ou le dessin .
Influencé par le surréalisme d’ André Breton et par le féminisme dans le contexte des années 1970, son travail s’inscrit dans le courant dit des mythologies individuelles », qui marque un regain d’intérêt pour l’autobiographie et la narration . Il explore parallèlement l’ambivalence de l’enfance, le rapport magique au monde, le fantasme et le fantastique (Pièges à chimères, 1984) tout en conservant une proximité avec l’art populaire.
Par l’utilisation de pratiques modestes proches de l’art brut, des arts premiers (l’objet talisman), de l’artisanat, voire de l’art de vivre ( les tâches quotidiennes) ou des productions de l’enfance (la pratique récurrente du jeu), Messager cherche à savoir à partir de quel moment une création appartient au domaine de l’art.
Les Pensionnaires, 1970
petite ribambelle d’oiseaux naturalisés qu’Annette Messager soigne, habille, observe et réprimande comme s’il s’agissait de ses enfants, le rôle de la mère est mis à mal de façon tout à la fois grave et cocasse.
Eux et nous, nous et eux (2000),
installation de miroirs suspendus horizontalement au-dessus de nous et servant de socle à des animaux naturalisés, dont la tête, comme greffée, est
recouverte d’un «masque» de peluche. Notre reflet se combine à la vision de ces êtres ambigus, qui tiennent tout autant de la mort que du vivant.
Wim Delvoye
Né en 1965,vit et travaille à Gand Belgique Wim Delvoye confronte l’histoire de l’art, la tradition flamande et l’industrie de manière souvent extravagante. De la cage de but de football incluse dans un vitrail au faux dallage de marbre réalisé avec du jambon, des nichoirs ornés d’accessoires sadomasochistes, aux cochons tatoués, l’inventivité de l’artiste et son goût pour la dérision ne connaissent aucune limite.
Cochon Tatoué
L’artiste cherche à faire réfléchir le public sur le régime alimentaire de la société avec la surconsommation de viande et la traite des animaux qu’il occasionne. Il essaye de faire changer les mentalités de chacun et de voir son art sous un autre angle.
The kiss (Le Baiser) – 2000
Les animaux sont mis en scène de manière à gagner une certaine forme d’humanité, par exemple un cerf et une biche copulant dans la position dite « du missionnaire »
Vecteur de symboliques contradictoires, « le cochon n’est pas seulement un animal; c’est un pur produit industriel, domestiqué, génétiquement trafiqué, c’est une fausse-nature » . Ici le cochon dont la peau a été remplacée par un tapis d’orient cristallise les difficultés de notre société occidentale à vivre avec l’Islam.
Jean Fabre
Né en 1958, vit et travaille à Envers Belgique plasticien, metteur en scène et chorégraphe.
L’artiste fasciné par son aïeul l’entomologiste Jean-Henri Fabre* est surtout connu pour ses œuvres réalisées avec les ailes du scarabée, il les utilise comme matière, couleur et aussi comme symbole de la métamorphose et du passage de la vie à la mort.
Jean-Henri Fabre* : la parenté de l’artiste avec Jean Henri Fabre est sujet à polémique.
Louise Bourgeois
1911-2010 , sculptrice, dessinatrice, graveuse et plasticienne française, naturalisée américaine.
Elle explore des thèmes tels que l’univers domestique, la famille, le corps, notamment les organes sexuels, tout en abordant une approche qui se traduit comme une manifestation des subconscients et la réactivation de souvenirs de son enfance. Elle est proche des mouvements expressionnistes abstraits et du surréalisme, ainsi que du mouvement féministe, mais reste toute sa vie non affiliée à une mouvance particulière.
L’Araignée, pour la plasticienne française est le symbole de la mère : « parce que ma meilleure amie était ma mère, et qu’elle était aussi intelligente, patiente, propre, utile, raisonnable et indispensable qu’une araignée ».
Joseph Beuys
1921–1986
Proche du pop art et du groupe Fluxus, ce maître à crée une figure nouvelle de l’art, où l’œuvre et la personne publique de l’artiste se confondent.
L’œuvre de Joseph Beuys, tout au long de la vie de l’artiste, s’est construite comme un labyrinthe chamanique initiatique, véritable projet politique. En lieu et place d’une carrière politique et d’un siège au parlement ou au sénat, il a construit son programme autour de conférences, d’œuvres sculpturales et de performances artistiques de toutes sortes. Celles-ci constituent une catharsis de ce qu’il faut pouvoir faire comprendre au peuple avant de changer le monde social, globalement. L’artiste a utilisé une forme de chamanisme ultra moderne. L’esprit de son œuvre s’agit bien de rétablir les liens sociaux au-delà de la seule humanité, mais globaliser le sauvetage ; il a le projet de transformer le monde, comme le souhaitaient les révolutionnaires des différentes époques historiques.
Le coyote appartient à une espèce de chien originaire d’Amérique du Nord, qui ressemble, en plus petit, à un loup. Cet animal est vénéré par les Amérindiens comme un animal sacré et joue un rôle actif dans la création du monde dans le mythe de la création des indigènes d’Amérique du Nord.
Beuys a pris l’animal dans sa performance parce qu’il avait vu en lui les forces élémentaires qui définissaient les énergies spirituelles indigènes, mais aussi leur expulsion, leur réinstallation ou leur meurtre, ainsi que leur conscience dans une vie quotidienne américaine technologisée et commercialisée. Le dialogue entre les autochtones et les anciens colons européens a été rompu.
Xavier Veilhan
Né en 1963, vit et travaille à Paris
Il développe depuis la fin des années 1980 une démarche aux formes multiples (sculpture, peinture, environnement, spectacle, vidéo, photo) entre classicisme formel et haute technologie. Ses œuvres questionnent notre perception et cultivent un intérêt pour les espaces de déambulation, souvent évolutifs, dans lesquels le visiteur devient acteur, comme lors de l’exposition Veilhan Versailles (2009), la série Architectones (2012-2014) ou récemment Studio Venezia (2017), sa proposition pour le Pavillon français de la Biennale de Venise. L’œuvre de Xavier Veilhan s’invite souvent dans l’espace public, avec des sculptures dans de nombreuses villes à travers la France et à l’étranger : Paris, Stockholm, New York, Shanghai et Séoul, entre autres.
Depuis les années 1990, le bestiaire animalier occupe une place de choix dans l’œuvre de Veilhan. Pingouins ou rhinocéros sont ainsi façonnés en résine teintée dans la masse avec des coloris non naturalistes. Rhinocéros (1999), réalisé à échelle réelle, laqué en rouge Ferrari modifiant instantanément la perception du mastodonte ainsi « carrossé ». En 1995, avec Les Gardes républicains, Xavier Veilhan avait présenté un ensemble de quatre gardes à cheval : comme des soldats de plomb reportés à une taille réelle, les statues ne recherchaient pas le mimétisme mais parvenaient à introduire un rapport troublant d’autorité à l’égard du spectateur.
Adel Abdessemed
Né en 1971 à Constantine (Algérie), vit et travaille à Paris1.
Il a connu les « années de sang » et la jeunesse qui se désespère dans son pays d’origine, et répète : « L’art était la seule porte de sortie. [..] Je n’ai pas choisi l’art, c’est l’art qui m’a choisi ». Adel Abdessemed, qui dit s’être « construit dans la férocité », s’empare des violences et des turbulences du monde contemporain pour en faire des images puissantes qui sonnent comme des évidences, qui s’embrassent d’un coup d’œil et impriment la rétine. Adel Abdessemed est connu pour ses œuvres fortes, rompant et transformant le flux d’images et la tension du monde actuel. Puisant ses références dans la littérature et l’art aussi bien ancien que moderne, brisant les tabous, il dialogue avec les matériaux (barbelés, dynamite, résine de cannabis, marbre…) pour inventer à travers installations, sculptures et vidéos, sa propre écriture de la violence et de la poésie du monde. Des œuvres « coup de poing », jusqu’au fameux « Coup de tête » de Zidane à Materazzi, figé dans le bronze.
Dans la représentation de ces deux pigeons « voyageurs », figures familières de l’urbain, , surdimensionnées, porteurs d’explosifs, c’est la métaphore poétique de la violence ordinaire et extraordinaire qui est exprimée par l’artiste plasticien, dans le Marais à Paris
Cheval de Turin” pousse à une réflexion sur le rôle des animaux dans la guerre des hommes.
Le nom de l’œuvre, fait référence au moment où, voyant un cheval fatigué battu violemment par son maître, Friedrich Nietzsche a sombré dans la folie. Le philosophe qui disait que Napoléon était « surhumain » n’a pas supporté cette cruauté.
“Dans le Cheval de Turin, on a un coup de sabot. C’est un choc, une sorte d’hommage à tous les animaux de la guerre, les chevaux au premier rang. Les chevaux, ce sont des victimes.”
Matthew Barney
Né en 1967, vit et travaille à NY
Après des études de médecine et un diplôme obtenu à Yale University en 1991, l’artiste, qui est aussi un athlète accompli et un sportif de haut niveau, débute dans le milieu de l’art par l’entremise de la galeriste Barbara Gladstone. Son travail provoque et l’artiste connaît un succès rapide. Ses premières œuvres s’inscrivent dans la lignée du body art, il soumet son corps à des épreuves physiques d’endurance, témoignant d’une volonté de contrôle et de domination du corps de l’artiste.
Matthew Barney s’est fait connaître du public le plus large par son cycle de cinq films Cremaster où il apparaît métamorphosé sous différentes formes animales et humaines et crée un monde onirique et baroque stupéfiant. Son œuvre démesurée et monumentale interroge les problématiques de genre, les cyborgs, l’humanité mutante.
Ghyslain Bertholon
Né en 1972,
Diplômé de l’École des beaux-arts de Saint-Étienne en 1998 (diplôme national supérieur d’expression plastique). En 2005, il réalise sa première exposition personnelle.
À travers ses sculptures, dessins et installations, Ghyslain Bertholon interroge le constant rapport de domination que les êtres humains entretiennent avec l’environnement.
La série des Trochés de Ghyslain Bertholon joue formellement sur les codes du divertissement et du décoratif. Ludiques, ces œuvres sont pourtant juste assez décalées pour laisser planer un malaise. Les animaux ainsi domestiqués gardent une inaccessibilité sauvage et rendent compte d’une réalité hallucinée. Si l’ironie mordante est une des clés de lecture de ce travail, son apparence sereine et tranquille renforce notre déstabilisation. Cette esthétique du « décalage » donne à voir le réel dans ses travers et ses détournements symboliques. Dans les Trochés, l’animal en fuite dont on aperçoit plus que le derrière bute contre la clôture murale qui le ramène inexorablement à sa condition d’esclave. C’est pourtant un animal « acteur » que l’obstacle architectural fige, la mort étant ici le lieu d’une narration fantastique où la traversée de l’autre côté reste possible.
Lionel Sabatté
Né en 1975. Vit et travaille à Paris et Los Angeles.
Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2003, Lionel Sabatté a reçu plusieurs prix artistiques tel que le prix de Peinture de la Fondation Del Luca en 2019, le Prix des Amis de la Maison Rouge qui lui a permis de produire une œuvre, présentée au sein du patio de la fondation en 2018, le Prix Drawing Now en 2017 et a reçu le Prix Yishu 8 de Pékin en 2011. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions monographiques en France comme à l’étranger, intégrant plusieurs collections institutionnelles.
La sphère du vivant ainsi que les transformations de la matière dues au passage du temps se retrouvent au cœur du travail de Lionel Sabatté. L’artiste entame depuis plusieurs années un processus de récolte de matériaux qui portent en eux la trace d’un vécu : poussière, cendre, charbon, peaux mortes, souches d’arbres… Ces éléments sont combinés de manière inattendue et les œuvres ainsi créées portent en elles à la fois une délicatesse mais aussi une « inquiétante étrangeté », donnant vie à un bestiaire hybride dans lequel des créatures des profondeurs abyssales côtoient des petits oiseaux des îles oxydés, des ours, des loups, des émeus, des chouettes, mais aussi des licornes …
Berlinde De Bruyckere
Née en 1964. à Gang.
Figure majeure de la sculpture contemporaine, l’artiste flamande Berlinde De Bruyckere poursuit avec ferveur depuis trente ans une pratique plastique centrée sur la représentation de l’être humain, de l’animal et du végétal dans sa plus grande crudité, à travers des moulages d’arbres monumentaux, des corps réalisés à partir de morceaux de cire, ou encore des couvertures, textiles et peaux de bêtes assemblées pour former des volumes étonnants, tous portés par une même tension entre souffrance et érotisme.
* Fille de boucher, Berlinde de Bruyckere dissèque notre animalité, notre humanité, explore les sillons secrets du passage de la vie à la mort. Sans brutalité. Son geste est toujours celui du soin.
In Flanders Fields, 2000.
L’œuvre représente 5 chevaux morts Inspirée par « In Flanders Fields » poème de guerre écrit pendant la Première Guerre mondiale par le lieutenant-colonel canadien John McCrae
No life lost 2, 2015
Les trois destriers de cavalerie, No Life Lost II, reflètent la mort au combat, une réflexion que le Belge De Bruyckere explore dans son œuvre depuis 1999.
to Zurbaran, 2015
Hommage au tableau ‘L’Agneau de Dieu’ Zurbaran (1635 – 1640)
un jeune poulain( remplaçant l’agneau) gît sur une table de poids, les pattes liées, faisant à la fois référence au sacrifice de l’agneau de la tradition chrétienne et à la crise des réfugiés syriens qui a marqué les esprits du monde entier avec les petits corps d’enfants déversés sur les rives de la Méditerranée.
David Hevel
Né en 19971. à Kirksville. USA
David Hevel révélé l’absurdité du consumérisme américain, de l’économie mondiale et du chaos des médias de masse, son travail juxtapose l’esthétique mi-américaine de la taxidermie et de l’arrangement floral avec les commérages, le glamour et le faste de la royauté hollywoodienne.