L’animal, ses représentations, et les instruments de musique – Didier Le Gall

Introduction

La représentation animale existe depuis l’aube de l’humanité. Les plus anciennes représentations animales sont probablement celles découvertes sur les parois des grottes accueillant nos ancêtres vivant au paléolithique. Leur raison et leur fonction font toujours l’objet de recherches et d’hypothèses. Etaient-elles associées à des rites, à des fonctions religieuses ? L’art de l’Egypte ancienne fourmille d’exemples qui vont dans ce sens, avec des représentations de Dieux à corps humains et à têtes d’animaux, comme la déesse BASTET à tête de chat ou encore la déesse SEKHMET à tête de lionne. La représentation de corps d’animal à tête d’homme la plus connue est probablement celle du Sphinx. Plus récemment dans le grand livre de l’histoire, l’art du moyen-âge offre un bestiaire dans lequel l’animal joue un rôle particulièrement allégorique dans les contes et légendes, dans la littérature mais aussi dans la représentation, l’animal symbolisant différentes vertus ou valeurs. Une des plus populaires est le lion symbolisant la force. Dans l’iconographie religieuse, la représentation animale se substitue à la parole et aux commandements du divin, la colombe, l’agneau, le serpent, le Léviathan ou le dragon en étant les représentations les plus emblématiques. D’une manière générale, toute représentation animale peut faire l’objet d’une double lecture, en associant l’animal au symbole, chaque culture ayant ses propres codes et croyances. Ces représentations se retrouvent dans tous les arts, dont celui de la musique et de ses instruments. L’analyse d’un instrument de musique est rendue possible par l’étude de ses capacités sonores et de ses matériaux, qui renseignent l’organologue sur sa datation et son origine. Si l’art de décorer peut être défini sommairement par le fait de parer, d’orner, dans le but d’embellir, les matériaux même qui constituent un instrument de musique participent à l’apparence extérieure et au décor. Selon les cas, l’instrument de musique peut soit prendre lui-même la forme d’un animal, soit être orné d’une représentation animalière peinte, sculptée, ou intaillée, soit enfin être constitué par des matériaux d’origine animale. Certains instruments présentent plusieurs de ces caractéristiques à la fois. La représentation animale sur les instruments de musique nous donne des indices supplémentaires sur leur origine et sur leur fonction sociale, la symbolique se substituant à la représentation. Quant aux matériaux d’origine animale, ils ont depuis toujours servi dans l’art de décorer les instruments de musique. Cette volonté d’améliorer l’esthétique et l’apparence des instruments s’est traduite par l’utilisation de matériaux d’origine animale (os, corne, nacre, ivoire, etc.). Ces matériaux ont aussi une utilité fonctionnelle, entrant en jeu  dans la fabrication du son (peau, crin, etc.).

Au travers d’exemples instruments issus de ma collection personnelle*, j’illustrerai ici quelques aspects du lien entre l’animal et l’instrument de musique, dans le but de sensibiliser le lecteur et d’éveiller sa curiosité.

*exception faite du cornet à bouquin conservé au musée de la musique de Paris

Instruments de musique fabriqués avec des matériaux d’origine animale

De très nombreux instruments de musique, sans doute parmi les plus anciens, ont été fabriqués avec des parties animales. L’une des plus vieilles descriptions d’un instrument de musique se trouve dans les textes mythologiques : L’hymne Homérique à Hermès relate l’invention de la lyre (figure 1) par celui-ci et décrit sa structure :

 « Certes, Hermès construisit le premier la tortue sonore qui s’offrit à lui auprès des portes de la cour, paissant, devant la demeure, l’herbe fleurie, et marchant lentement. Et le fils utile de Zeus, l’ayant vue, rit, et il dit aussitôt : – Voici qui me sera très profitable et qui n’est pas à dédaigner. Salut, être aimable, compagne qui excites aux danses et aux festins et qui m’es apparue heureusement ! D’où viens-tu, beau jouet, tortue qui vit dans les montagnes, à l’écaille variée ? Mais, t’ayant prise, je t’emporterai dans ma demeure. Tu me seras utile, et je ne te mépriserai point, et, d’abord, tu vas me servir. Il vaut mieux être dans la demeure, car il est dangereux de rester dehors. Certes, vivante, tu seras un remède à beaucoup de maux ; et, si tu meurs, tu chanteras alors admirablement. Ayant ainsi parlé, il l’enleva de ses deux mains, et il entra aussitôt dans la demeure, portant l’aimable jouet. Et, là, avec un burin de fer brillant, il arracha la vie à la tortue montagnarde. De même qu’une rapide pensée traverse l’esprit d’un homme agité par de nombreuses inquiétudes, ou que des rayons jaillissent des yeux, de même l’illustre Hermès parla et agit en même temps. Il fixa des tiges de roseaux, coupées à diverses longueurs, et il les fit passer à travers le dos de la tortue ; puis, il tendit, autour, avec adresse, une peau de bœuf ; et il adapta les deux bras et le chevalet, et il tendit ensuite sept cordes harmoniques en boyaux de brebis. Puis, ayant construit l’aimable jouet, il fit résonner chaque note à l’aide du plektre ; et la tortue, sous sa main, résonna, sonore ; et le Dieu, excité par son œuvre, chanta admirablement. » Traduction de Leconte de Lisle (1868), A. Lemmerre, 1893.

Lyre, reconstitution, ancienne collection Tolbèque,
extrait de l’Art du luthier, Niort 1903

Extrait de planches de l’encyclopédie Diderot et d’Alembert, 18ème siècle

D’un point de vue organologique, la science de la fabrication des instruments, les premiers instruments à l’origine de la musique furent probablement construits avec des matériaux naturels ne nécessitant pas ou peu de modification et dont la fabrication était rendue possible car elle ne nécessitait qu’un outillage rudimentaire. Ainsi de nombreuses parties animales entrent dans la composition d’instruments de musique  pour permettre l’émission d’un son et comme accessoire de leur décor (liste non exhaustive) : 

L’os : flûtes, frettes, sillets et chevalet d’instruments à cordes, boutons de mécaniques, colle

L’ivoire : instruments à vent, flutes, flageolets, clarinettes, hautbois, bagues d’instruments à vent, frettes, sillets et chevalet d’instruments à vent, chevilles, boutons de mécanique, dos d’instruments à cordes (luths, guitares, etc…) touches de piano, fileterie, oliphant, plaque de tête archets de violon, etc…

La corne : oliphant, signal d’appel, bagues d’instruments à vent

La peau : tambours, tables d’harmonie de cordophones, réservoir d’air, poche ou sac de cornemuse, colle.

Le crin de cheval : mèches d’archets de violons

Les coquillages : aérophones, conques, la nacre : plaques décoratives

Les boyaux : cordes

Carapace tortue, tatou : caisses de résonnance, écaille de tortue : plaques de protection, hausse d’archets de violons, décorations sous forme de plaquage, etc…

Fanon de baleine : fileterie

Les carapaces animales offraient une caisse de résonnance toute faite pour fabriquer des instruments à cordes et les coquillages, les cornes et les os une colonne d’air naturellement évidée pour l’élaboration d’instruments à vent.

Le luth Guinbri présenté ci-dessous en est une parfaite illustration.

 Il existe différentes variantes de cet instrument présent en différents pays du Maghreb. Le son est produit en pinçant les cordes avec les doigts. L’instrument sert à marquer le rythme tout en donnant une ligne harmonique. Associé à des percussions et à la danse, il accompagne les chants populaires du folklore ainsi que des rites d’initiation et de mises en transes destinées à guérir ou à protéger. D’un point de vue symbolique, dans diverses civilisations, la tortue est souvent associée à l’alliance de l’eau et de la terre, à la création du monde et à la vie éternelle, d’où une utilisation souvent liée à une pratique spirituelle.

La représentation peinte de l’autruche rappelle le rôle essentiel de cet animal en Afrique du nord, dont les représentations les plus anciennes ornent les grottes préhistoriques. Elle était particulièrement convoitée pour ses œufs, ses plumes et sa chair. Ses œufs, vidés, ont servis comme récipients usuels et aussi comme urnes funéraires dans les rites religieux.

Luth Guinbri, bois, peau, carapace de tortue, peinture. Manque les chevilles, le chevalet et les cordes. Longueur : 57,2 cm. Maghreb Afrique, début du 20ème siècle

D’autres instruments ont été fabriqués sur la base de carapace animale. Un des plus connu est le charengo, instrument traditionnel des Andes dont la caisse de résonance est constituée d’une carapace de tatou

Caisse de résonnance de charengo faite dans une carapace de tatou

Les premiers instruments de musique à vent ont été fabriqués dans des matériaux naturels naturellement évidés, permettant à l’aide du souffle de l’instrumentiste, de mettre en vibration la colonne d’air, créant des sons. Parallèlement au roseau du règne végétal, les cornes des animaux, naturellement évidées également, ont été utilisées dans de nombreuses sociétés à travers le monde. Elles ont été utilisées comme signal d’appel, afin d’avertir, de proclamer, d’annoncer des nouvelles. Suivant leurs dimensions, leurs qualités de forte puissance sonore les faisait entendre de loin, d’où leur utilisation en montagne, pour communiquer de vallée en vallée, ou encore en mer comme c’est le cas de la corne de brume. Leur rôle pouvait avoir une fonction liée à la chasse ou à la guerre, et le sonneur un donneur d’ordres ou un chef. L’un des instruments les plus prestigieux était l’olifant d’ivoire, symbole de pouvoir, dont la décoration plus ou moins sophistiquée indiquait le statut social de son propriétaire. La trompe a bénéficié depuis l’antiquité d’une évolution dans son matériau et dans sa forme. La famille des cornets au nom évocateur a évolué et de nombreux instruments en laiton sont dérivés de cet ancêtre comme les trompettes droites servant la musique sacrée ou militaire.

Trompe de berger corne, cuir, métal, longueur : 40 cm.
Provenance : Portugal, XXe 

L’instrumentiste, en soufflant dans la trompe, met la colonne d’air en vibration, créant un son. L’utilisation de la corne animale comme signal d’appel est très ancienne et universelle. La trompe peut également participer au culte religieux. Dans le rituel Israélite, le shofar est toujours traditionnellement joué lors de diverses cérémonies religieuses. Il est traditionnellement fabriqué dans une corne de bélier, selon la tradition liée au sacrifice d’Abraham.

Shofar

Un autre exemple, le chalumeau à pavillon en corne est un instrument mélodique joué par les bergers. Dans cet instrument, la corne ne sert plus qu’à la fabrication du pavillon, le corps de l’instrument est fabriqué en bois de noyer avec un outillage rudimentaire.

Chalumeau à pavillon en corne

Bois de noyer de perce cylindrique, six trous d’intonation, corne, anche idioglotte en roseau. Longueur : 22,2 cm sans l’anche. Provenance : Ariège, Pyrénées, France, 19ème siècle

Un autre instrument emblématique est la conque. C’est une coquille de mollusque gastéropode dont la pointe a été coupée afin de pouvoir souffler dedans. Comme pour les autres instruments à vent, la colonne d’air naturellement formée à l’intérieur du coquillage peut, grâce au souffle de l’instrumentiste, se mettre en vibration et créer un son. Son usage est attesté dans beaucoup de civilisations. La conque découverte en 1931 dans la grotte de Marsoulas en Haute-Garonne est datée de 18000 ans. Son usage reste sujet à beaucoup de questionnements. Traditionnellement, l’usage de la conque dans les Pyrénées a perduré jusqu’au début du 20ème siècle.

Conque collectée dans la vallée de Vicdessos (Ariège Pyrénées), XXe

La conque DUNG KAR du Tibet est un instrument traditionnel destiné à célébrer les divinités dans le rituel bouddhiste et hindou. Elle est associée à la parole de Bouddha. Son usage, dans la tradition bouddhique, permet l’éveil vers le chemin de l’accomplissement de soi. Elle a également pu servir de signal d’appel. La provenance des conques du Tibet viendrait de l’Inde qui en faisait l’échange dans le commerce de sel.

Conque DUNG KAR, coquillage gravé d’idéogrammes et de fleurs stylisées

L’os a été également largement utilisé. De par son intérieur creux, il offre une colonne d’air naturellement évidée. La célèbre flûte d’Isturitz, conservée au musée d’archéologie nationale de Saint Germain en Laye, atteste de cet usage au paléolithique récent (-40/-10000 ans environ).

Trompe de chamane en os, Inde, XXe

Le son de la trompe de chamane présentée ci-dessus, entrainait une modification d’état de conscience  permettant au chamane de recevoir des informations de l’au-delà, de communiquer avec les défunts ou des guides spirituels.

La peau des animaux a largement été utilisée, à usage de percussion, pour les tambours, et également comme table d’harmonie pour les instruments à cordes. Le principe du tambour sur cadre en bois circulaire muni d’une peau est très ancien et universel. Le musicien tape sur la peau, avec les mains ou des baguettes pour marquer le rythme et accompagner instruments, chants ou danses. Les tambours sont souvent liés à des soins énergétiques guérisseurs, ou liés à des cérémonies de mise en transe.

Tambour Dhyangro, Népal, XXe

En exemple, le Tambour Dhyangro, Tambour sur cadre à deux membranes. Ses poignées sont en forme de dague rituelle «phurbu», sculptées de motifs et de trois visages « courroucé, serein et joyeux ». Il contient traditionnellement une pièce de monnaie et des graines «rudraksha». La baguette est en bois et tissu. Il est utilisé par les guérisseurs (chamanes) se déplaçant dans l’Himalaya. Le son du tambour, est associé à des prières par l’homme-médecin «Jhakri » qui tape sur la peau en direction du malade, qui reçoit l’énergie guérisseuse.

Les instruments de musique en forme d’animal

Un des instruments les plus spectaculaires que je connaisse est sans hésiter le cornet à bouquin conservé au musée de la musique de Paris sous le numéro d’inventaire E.149

Cornet à bouquin ténor, Anonyme, Italie, XIXe ?, E.149
Collections Musée de la musique / Cliché Albert Giordan D. R., 1995

La famille des cornets tient son nom des cornes animales dont l’instrument était originellement issu. Ce modèle, fabriqué en Italie au 16ème siècle, était constitué de deux pièces de bois creusées assemblées l’une contre l’autre, créant ainsi une colonne d’air, et recouvert de cuir pour en garantir l’étanchéité. Cet instrument a la particularité d’avoir un pavillon en forme de tête de monstre particulièrement menaçant, gueule ouverte et dents dehors, symbolisant l’enfer. Le corps de l’instrument, en forme de serpent, nous renvoie à une autre très forte symbolique religieuse. Si le lien avec la religion peut être envisagé, beaucoup instruments à pavillon zoomorphe avaient un rôle militaire, comme c’est le cas du carnyx celte, trompe de guerre dont le pavillon est en forme de monstre, souvent associé à la hure, ayant pour but d’effrayer les ennemis. Avec la même la même symbolique, nous avons des buccins, bassons russes et certains ophicléides du 19ème siècle.

Ce type d’instrument ayant le pavillon en forme de gueule d’animal, se retrouve dans plusieurs civilisations, des plus anciennes à l’ère contemporaine. D’une manière générale et dans de nombreuses sociétés à travers le monde, les animaux sont considérés comme ayant une âme en contact avec le monde invisible, les forces de la nature, le monde végétal et minéral, les défunts, les forme-pensées occupant le bas et haut astral accueillant esprits bienveillants ou maléfiques. Un peu comme un danseur revêt l’âme du masque qu’il porte sur son visage, l’esprit du musicien s’incarne dans l’esprit de l’animal en soufflant dans l’instrument, provoquant une modification d’état de conscience avec pour résultat une mise en transe permettant à son esprit de communiquer ou recevoir des informations avec des forces invisibles, défunts ou guides spirituels.

Pour illustrer par d’autres exemples d’instruments, les pavillons en forme d’animal, voici les deux instruments  ci-dessous: une trompe d’Afrique de l’ouest,  et une flute d’Ambrym, ile de Vanuatu.

La trompe en bronze d’Afrique de l’ouest possède un pavillon en forme de tête de poisson-chat, qui symbolise l’esprit de l’eau associé à la vie et à la fécondité. Son usage était surtout lié à une fonction honorifique, de commandement et de pouvoir.

Trompe de cérémonie en bronze, Afrique de l’ouest, XXe, longueur : 62 cm

Détail du pavillon en forme de tête de poisson-chat

Flûte d’Ambrym, ile de Vanuatu, XXe. Décor géométrique symbolisant la cosmogonie
avec pavillon en forme de tête de poisson stylisée

Détail de la tête

Autre instrument : le serpent. Il est considéré comme la basse du cornet à bouquin et fabriqué selon le même principe. La forme sinueuse de l’instrument permet au musicien l’accès aux trous d’intonation et permet le jeu. Son nom évoque tout naturellement la forme de l’animal du même nom et son usage était de jouer les basses, dans la musique militaire et également dans la musique religieuse pour soutenir le chant dans les chorales

Gravure de l’encyclopédie Diderot et d’Alembert, XVIIIe

Détail du serpent

Parmi les instruments en forme de corps d’animaux, les sifflets zoomorphes occupent une place importante : Ils ont longtemps servi comme signal d’appel ou appeaux. Le son est produit en soufflant. Un trou de jeu permet l’émission d’un deuxième son. Ce type de flûte est de la même famille que celle des ocarinas. On en trouve dans de nombreuses civilisations.

Sifflet zoomorphe en terre cuite

Sifflet zoomorphe en terre cuite, culture La Tolita, -500 av JC / +500 ap JC

Les instruments à cordes peuvent aussi avoir leur chevillier orné d’une représentation zoomorphe : en exemple  ci-dessous : un saranghi à cheviller en forme d’oiseau

Saranghis, Inde, XXe

Bois monoxyle constituant une caisse de résonance, un manche et un chevillier à décor zoomorphe.

Chevilles en bois. Peau, métal, une des caisses de résonance est gravée de motifs divers, portrait, animal, végétaux stylisés, écritures.  Provenance : Inde, 20ème siècle.

Le son est produit en frottant les cordes avec un archet. La position des doigts sur le manche permet de raccourcir la longueur de la corde vibrante et de moduler les sons. Cet instrument accompagne les chants populaires du folklore Indien.

Détails des chevillers en forme d’oiseaux (manques)

Ici, ci-dessous un pluriarc à décor zoomorphe en forme de singe.

Pluriarc, Afrique de l’ouest, XXe

Détail de la représentation animalière

Autre illustration d’un serpent, il s’agit d’un racloir afin de marquer le rythme. Le son est produit en frottant les parties striées sculptées sur le ventre de l’animal.

Racloir en ébène, collecté au Portugal, XXe

Détail du dos strié

Dans les percussions, se trouvent couramment des représentations animales sur des kartals Indiens , sortes de claquettes en bois munies de cymbales. Souvent sculptées de représentations animales, elles servaient à marquer le rythme dans les mains des danseuses ou des musiciens de rue ainsi que dans le culte hindouiste.

Kartals

Détail de la représentation animale

Détail

Détail

Les tambours  présentent également fréquemment des représentations animalières. Ci-dessous, un tambour Baoulé sculpté d’un crocodile, et ensuite un tambour du second empire avec la représentation d’un aigle impérial.

Tambour de type cérémoniel

Composé de bois et de peau. Base sculptée en forme de personnage féminin assis, fût du tambour sculpté d’animaux stylisés. Hauteur: 107 cm. Provenance: ethnie Baoulé, Côte d’Ivoire, 20ème siècle. Le son est produit en frappant la membrane en peau. Tambour utilisé lors de cérémonies. Le crocodile est un animal emblématique, sacré, porteur d’une forte symbolique souvent liées à des fonctions spirituelles et au pouvoir.

Les instruments de musique peuvent être décorés d’animaux à forte charge symbolique du pouvoir politique. Ce tambour en est un exemple, avec la représentation de l’Aigle Impérial.

Tambour de grenadiers, second empire, laiton, bois polychrome, peau, corde, hauteur : 54 cm

Détail de l’Aigle Impérial

Pour finir sur une note de grâce,  voici l’iconographie d’un violon fabriqué au 19ème siècle en pleine période néogothique, représentant une allégorie de Jérusalem, avec le Saint-Esprit symbolisé par une colombe.

La seconde restauration

A travers ces exemples, nous avons présenté un aperçu de ce sujet et nous pouvons en mesurer toute  l’étendue. L’instrument de musique, en tant qu’outil destiné à produire des sons, s’adapte continuellement à la société qui l’utilise. Il peut être fabriqué avec des parties animales ou puiser dans le répertoire décoratif animalier pour en préciser sa fonction, qui peut être liée au sacré, au pouvoir, au divertissement. La musique produite permet d’exprimer ses émotions. Elle divertit, elle invite à la rêverie et à l’Amour, elle fait danser. Elle sert la parole de Dieu et permet d’invoquer les Esprits. Elle facilite la modification d’un état de conscience. Elle rythme le pas du soldat au chant de bataille et fédère au son de l’hymne national. Elle dirige les protagonistes lors d’une chasse à courre. Elle rassemble ou divise. Elle apaise et soigne. Elle sert de support aux contes et légendes, elle affirme son appartenance à un clan ou à une catégorie sociale. Elle est un prolongement de soi, de notre identité et de nos valeurs.  

Cette présentation pose la base, à travers ces quelques exemples, d’un questionnement et d’un vaste travail dans lequel nous pourrions recenser d’innombrables représentations animales classées par types, sculptées ou peintes, par continents, par époques, par familles d’animaux, par familles d’instruments, en approfondissant pour chaque cas le sens lié à sa représentation. Un tel travail impliquerait inévitablement de présenter les liens si précieux entre la musique et les animaux, quand le piano évoque l’éléphant, le violoncelle le cygne, dans le carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, ou encore la flûte l’oiseau, la clarinette le chat ou le hautbois le canard dans Pierre et le loup de Serge Prokofiev, pour ne citer que deux œuvres célèbres.

Tous ces éléments nous invitent à regarder au-delà du décor afin de découvrir la fonction de la représentation, dont la diversité nous rappelle la richesse de l’humanité.

Gravure représentant Orphée charmant les animaux,
essai sur la Musique ancienne et moderne, Laborde, 1780