Représentation de l’animal dans la création de René Lalique
René Lalique est un artiste au génie protéiforme, qui puise son inspiration dans trois grands thèmes conventionnellement appelés les « 3F » : la Femme, la Faune et la Flore.
Il commença sa carrière en tant que joaillier, d’abord dessinateur pour de grandes maisons comme Aucoc, Boucheron, Cartier, etc. Il se met très vite à son compte et sa vision novatrice du bijou lui permet de connaître un succès retentissant.
A l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900, à propos de ses créations, Emile Gallé déclare que René Lalique est « l’inventeur du bijou moderne ». Dans sa façon d’imaginer et de concevoir ses créations, René Lalique est inégalable. Il est le chef de file de ce que nous définissons aujourd’hui comme « le bijou Art Nouveau ». C’est à partir de ce qu’il imagine et crée que tous les autres joailliers composent à leur tour. Ainsi, Gautrait, Paul Brandt, et même Vever se sont inspirés de René Lalique pour proposer à leur clientèle des bijoux en adéquation avec la mode de leur temps.
Le thème de la Faune est déjà extrêmement présent dans son travail de joaillier. Il représente ce monde avec une précision jusqu’alors inconnue. Aucun détail ne lui échappe.
Ainsi, les coqs dressent chacune des plumes de leur crête ; les libellules déploient leurs ailes agrémentées de plique-à-jour dans des tons dégradés de bleu et vert ; les paons font la roue pour dessiner la forme d’un bijou sophistiqué, etc. Toutes ces créatures sont sublimées par l’art de René Lalique et son interprétation de la Faune.
Il représente même des animaux effrayants ou repoussants comme les guêpes dont les dards saillants sortent d’abdomens à rayures émaillés jaune et noir, des chauves-souris en vol les pattes ailées ouvertes, prêtes à capturer une proie ou encore des serpents entortillés, la gueule ouverte et les crocs acérés, prêts à mordre. Et malgré cette expression inattendue de ses inspirations, les créations de René Lalique conservent leur caractère poétique et esthétique. Ces animaux jusqu’alors redoutés deviennent familiers et les femmes s’en parent.
Le verre, qu’il utilisait déjà dans ses bijoux offrira à René Lalique des possibilités de représentations infinies. Cela lui permettra d’exprimer avec plus de précision l’intérêt qu’il porte à la Faune. Nous pourrions même considérer que les œuvres qu’il propose renouvellent les sujets et leur traitement.
A partir de 1910, René Lalique ne se consacre plus qu’au travail du verre et devient un verrier à part entière. Ainsi, il met au point plusieurs techniques de moulage qu’il brevète.
Ceci lui permet d’utiliser des moules dont le décor extrêmement précis et détaillé fait apparaître la Faune exactement comme il veut la représenter. Les techniques de moulépressé et soufflé-moulé – en accord avec les évolutions industrielles de son époque – permettent à Lalique de développer son art et de le diffuser. Jusqu’en 1925, Lalique ne produit qu’en verre blanc, opalescent ou noir. A partir de 1925, des oxydes sont ajoutés au mélange de silice pour produire les œuvres en couleur.
Généralement les motifs, quelle que soit la couleur du verre utilisé, sont patinés de différentes couleurs ou émaillés à chaud.
Cela permet, en plus des superpositions de couches de verre utilisées, de rehausser le décor et de lui donner de la profondeur pour une meilleure lisibilité.En effet, René Lalique a cette souplesse d’être à la fois un artiste qui imagine les œuvres, mais aussi un ingénieur qui met au point les meilleures techniques pour représenter ce qu’il imagine ; et enfin, c’est un entrepreneur dont les techniques commerciales sont très novatrices ( diffusion nationale et internationale de ses œuvres par l’intermédiaire de représentants et volonté de créer pour toutes les catégories sociales : le catalogue s’adresse à une clientèle très fortunée comme à des acheteurs plus modernes). Dans cet esprit, Lalique a d’ailleurs déclaré qu’il préférait « faire du verre utile plutôt que du bibelot décoratif ».
Ainsi, Lalique épouse la mode de son temps ; la Nature est particulièrement présente dans l’Art-Nouveau dont les inspirations sont présentes dans les décors de ses verreries mais les formes de ces objets et les techniques qui permettent de les créer appartiennent définitivement à l’époque Art-Déco.
Par exemple, le vase « Poissons » créé en 1921 et représentant des rascasses saisies dans un mouvement ondoyant de façon très réaliste s’inscrit dans l’Art-Nouveau par son décor mais la technique du soufflé-moulé à l’air comprimé et la forme boule du vase le placent déjà dans l’esthétique de l’Art-Déco avec sa carnette saillante au col.
Trois ans plus tard, le vase Oléron nous présente des sardines réalistes mais distribuées géométriquement tout autour du vase.
L’année suivante, un pas est franchi avec le vase Penthièvre ou Poissons Fantaisies qui nous présente des scalaires extrêmement stylisés qu’il s’agisse de leur représentation ou de leur positionnement. Si l’œil de chaque poisson n’était pas figuré, nous pourrions ne pas être mesure d’identifier le sujet.
Nous pouvons pour l’essentiel distinguer quatre catégories d’animaux traités par Lalique :
- La faune aquatique que nous venons d’évoquer pour éclairer le passage de l’ArtNouveau à l’Art-Déco dans le travail de Lalique
- La faune terrestre
- La faune du ciel
- Le monde des insectes
Chacun de ces univers est mis en scène sous différentes formes. Ainsi, dans la décoration, nous retrouvons des statues, des fontaines, des surtouts de table, des mascottes automobiles, des boîtes, des flacons, des vases, des miroirs, des pendules, des luminaires (lustres, appliques, veilleuses, brûle-parfums, etc.). De même pour des objets plus usuels comme ceux de l’Art de la Table (coupes, verres, assiettes, jardinières, porte-menus, portecouteaux, etc.), ou encore des objets de bureau (encriers, cachets, presse-papiers, cendriers, etc.) et même des bijoux.
Toutes ces créations sont proposées dans différentes finitions (couleurs multiples rehaussées de patine ou d’émail).
Nous allons retrouver tous les motifs de l’art nouveau et de l’art déco, dans un foisonnement inégalé.
La faune aquatique met en scène toutes sortes de poissons, de coquillages, de batraciens.