La forme céramique et ses expressions, dans les pièces d’édition Madoura-Picasso

L’intérêt d’une pièce en céramique pour un peintre est qu’elle présente une forme et un volume alors que le support habituel de son activité revêt une entière planéité.
Cette troisième dimension accordée par cette forme et ce matériau confère au peintre la possibilité de donner au mouvement et à la perspective du décor, une amplitude que le plan de la toile lui refuse d’ordinaire. Le décor va suivre la forme du matériau et s’émanciper grâce à elle.
Comment dès lors Picasso installe-t-il cette correspondance entre forme et décor, comment les fait-il communiquer afin, l’une par l’autre, l’une avec l’autre, de mettre en évidence la représentation de l’œuvre imaginée ?

Cette question se pose d’autant plus que les formes céramiques éditées par l’atelier Madoura d’après Picasso comptent peu de modèles créés par le peintre lui-même ; Picasso en effet a peint principalement sur des formes issues du registre de l’atelier qui contenait essentiellement soit des formes imaginées par Suzanne Ramié soit des formes héritées de l’antiquité méditerranéenne ou hispano-précolombienne.
Le peintre va donc détourner la forme de la pièce de sa fonction afin de pouvoir l’utiliser comme élément participant à la scénographie, à la mise en place du décor ; cette métamorphose de la pièce est une parfaite illusion optique que le peintre propose à notre regard.

Nous nous questionnons donc ici sur la liberté que se donne le peintre dans l’utilisation des formes établies par l’atelier pour décorer les pièces selon son imagination ; nous avons choisi des formes différentes représentatives des productions de l’atelier Madoura afin de tenter de montrer l’aisance avec laquelle le décor se sert de la forme du support qui le reçoit au point de le faire oublier, disparaître ou de le métamorphoser.

Didier Largeault, Expert CNES, Objets d'Art et Verreries Art Nouveau

L’intérêt d’une pièce en céramique pour un peintre est qu’elle présente une forme et un volume alors que le support habituel de son activité revêt une entière planéité.
Cette troisième dimension accordée par cette forme et ce matériau confère au peintre la possibilité de donner au mouvement et à la perspective du décor, une amplitude que le plan de la toile lui refuse d’ordinaire. Le décor va suivre la forme du matériau et s’émanciper grâce à elle.
Comment dès lors Picasso installe-t-il cette correspondance entre forme et décor, comment les fait-il communiquer afin, l’une par l’autre, l’une avec l’autre, de mettre en évidence la représentation de l’œuvre imaginée ?

Cette question se pose d’autant plus que les formes céramiques éditées par l’atelier Madoura d’après Picasso comptent peu de modèles créés par le peintre lui-même ; Picasso en effet a peint principalement sur des formes issues du registre de l’atelier qui contenait essentiellement soit des formes imaginées par Suzanne Ramié soit des formes héritées de l’antiquité méditerranéenne ou hispano-précolombienne.
Le peintre va donc détourner la forme de la pièce de sa fonction afin de pouvoir l’utiliser comme élément participant à la scénographie, à la mise en place du décor ; cette métamorphose de la pièce est une parfaite illusion optique que le peintre propose à notre regard.

Nous nous questionnons donc ici sur la liberté que se donne le peintre dans l’utilisation des formes établies par l’atelier pour décorer les pièces selon son imagination ; nous avons choisi des formes différentes représentatives des productions de l’atelier Madoura afin de tenter de montrer l’aisance avec laquelle le décor se sert de la forme du support qui le reçoit au point de le faire oublier, disparaître ou de le métamorphoser.

Didier Largeault, Expert CNES, Objets d'Art et Verreries Art Nouveau

Quatre profils enlacés

Quatre profils enlacés

En accordant aux traits rectilignes de la forme « carré » un léger cintre, puis en brisant les angles droits de cette forme géométrique, et en lui donnant une forme quelque peu arrondie, Picasso déstructure cette figure en la privant d’une base, d’une assise possible. Si la forme « rond/carré » demeure régulière et symétrique comme le carré lui-même, elle ne peut, contrairement au carré, trouver un équilibre en elle-même en reposant sur l’un de ses quatre côtés ; elle est appelée sans cesse à tourner sur elle-même.

Il va en être ainsi du décor qu’elle enferme. Ce décor, s’il était installé dans une forme « carré » serait limité par le côté rectiligne de cette figure géométrique et le peintre devrait ainsi placer son décor à l’intérieur de ces quatre limites régulières.

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Il est vrai que sur le plan symbolique, on peut penser le passage de la forme « carré » à la forme « rond » comme la transition d’un monde à un autre ; en effet dans la figure « carré », la ligne se brise et se limite au contact d’une autre, alors que dans la figure ronde, la ligne se poursuit dans ce mouvement infini de l’éternel retour du même. Cette métamorphose de la figure renvoie sur le plan symbolique à une considération métaphysique de la présence et du Temps que nous suggérons ici seulement comme un axe de réflexion.

Avec la forme « rond/carré », le décor suit le mouvement de la forme et entoure la pièce dans un enroulement sans fin. Afin d’installer son motif intérieur dans cette poursuite continue de la forme, Picasso réduit son décor à un trait et lui donne une direction quasi parallèle à cette dernière.

L’arrondi du menton profilé suit la courbe de la forme céramique et dans son mouvement cintré se confond dans le front du visage qu’elle met en place dans un mouvement intérieur infini.

Cette figure « rond/carré » devient pour le peintre le moyen formel d’organiser ce mouvement infini d’un visage multiplié ; elle n’est pas métamorphosée mais puissamment exploitée par le peintre qui va profiter de cette exacerbation de la déformation des lignes et des angles qui construisent cette structure ronde et carrée pour l’augmenter encore en installant d’un seul et même trait son décor suivant fidèlement la bordure intérieure de la pièce. La figure « rond/carré » apparait alors comme la forme ovalisée d’un cadre assurant sans cesse à ce visage la possibilité de se présenter de profil.

Afin d’accentuer ce mouvement identique de la forme et du décor et de renforcer le lien qui les unit, le peintre souligne le bord de l’assiette de la même teinte qui définira le trait des visages, et pour mettre en évidence ce syncrétisme de la forme et du décor par l’usage d’une seule et même nuance de couleur, Picasso va installer le décor sur un fond blanc l’illuminant ainsi par contraste.

Enfin, pour donner plus de relief à ces visages enlacés à l’intérieur d’une forme légèrement creusée, Picasso accordera à ces profils une épaisseur que le peintre ne peut donner mais que le sculpteur, en estampant la pièce, peut ciseler comme pour réaliser un portrait en camée.

Quatre profils enlacés

En accordant aux traits rectilignes de la forme « carré » un léger cintre, puis en brisant les angles droits de cette forme géométrique, et en lui donnant une forme quelque peu arrondie, Picasso déstructure cette figure en la privant d’une base, d’une assise possible. Si la forme « rond/carré » demeure régulière et symétrique comme le carré lui-même, elle ne peut, contrairement au carré, trouver un équilibre en elle-même en reposant sur l’un de ses quatre côtés ; elle est appelée sans cesse à tourner sur elle-même.

Il va en être ainsi du décor qu’elle enferme. Ce décor, s’il était installé dans une forme « carré » serait limité par le côté rectiligne de cette figure géométrique et le peintre devrait ainsi placer son décor à l’intérieur de ces quatre limites régulières.

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Il est vrai que sur le plan symbolique, on peut penser le passage de la forme « carré » à la forme « rond » comme la transition d’un monde à un autre ; en effet dans la figure « carré », la ligne se brise et se limite au contact d’une autre, alors que dans la figure ronde, la ligne se poursuit dans ce mouvement infini de l’éternel retour du même. Cette métamorphose de la figure renvoie sur le plan symbolique à une considération métaphysique de la présence et du Temps que nous suggérons ici seulement comme un axe de réflexion.

Avec la forme « rond/carré », le décor suit le mouvement de la forme et entoure la pièce dans un enroulement sans fin. Afin d’installer son motif intérieur dans cette poursuite continue de la forme, Picasso réduit son décor à un trait et lui donne une direction quasi parallèle à cette dernière.

L’arrondi du menton profilé suit la courbe de la forme céramique et dans son mouvement cintré se confond dans le front du visage qu’elle met en place dans un mouvement intérieur infini.

Cette figure « rond/carré » devient pour le peintre le moyen formel d’organiser ce mouvement infini d’un visage multiplié ; elle n’est pas métamorphosée mais puissamment exploitée par le peintre qui va profiter de cette exacerbation de la déformation des lignes et des angles qui construisent cette structure ronde et carrée pour l’augmenter encore en installant d’un seul et même trait son décor suivant fidèlement la bordure intérieure de la pièce. La figure « rond/carré » apparait alors comme la forme ovalisée d’un cadre assurant sans cesse à ce visage la possibilité de se présenter de profil.

Afin d’accentuer ce mouvement identique de la forme et du décor et de renforcer le lien qui les unit, le peintre souligne le bord de l’assiette de la même teinte qui définira le trait des visages, et pour mettre en évidence ce syncrétisme de la forme et du décor par l’usage d’une seule et même nuance de couleur, Picasso va installer le décor sur un fond blanc l’illuminant ainsi par contraste.

Enfin, pour donner plus de relief à ces visages enlacés à l’intérieur d’une forme légèrement creusée, Picasso accordera à ces profils une épaisseur que le peintre ne peut donner mais que le sculpteur, en estampant la pièce, peut ciseler comme pour réaliser un portrait en camée.

Quatre profils enlacés

Femme

La forme conique de ce pichet présentant un léger étranglement avant son col rond orné d’une anse à angle vif attachée à sa base, est comprise par Picasso comme celle possible d’un corps féminin. L’étranglement supérieur figurera le cou, le petit col rond simulera une courte tête et la forme évasée du haut vers le bas donnera au corps cette amplitude naturelle d’une silhouette féminine ; l’anse située derrière le col descendra le long du dos de cette femme comme une longue tresse de cheveux.

Afin de révéler la féminité possible de cette forme, et faire de ce volume ordinaire de pichet un physique féminin, le peintre va mettre en scène dans un jeu de figuration et de dissimulation les attraits de la féminité ; il entoure l’arrière et les côtés de la pièce d’une longue cape bleue largement ouverte sur l’ensemble du devant, révélant sur un argile blanc mat un corps dont la nudité est mise en lumière en sa partie haute par quelques traits d’engobe bleu clair schématisant la poitrine et par quelques touches rondes situant autour du cou une anachronique parure de perles et en sa partie basse par un slip dont la densité du noir attire autant le regard que la blancheur des jambes qui s’en dégagent.

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À l’arrière de la tête, ceinte d’une mantille, et au dos, protégé par cette cape, s’oppose le devant du corps dont la blancheur de chair est révélée par cette généreuse ouverture de la cape que les mains de la femme ne semblent pas vouloir retenir.

Cette mise en scène impudique de la nudité par le bijou, la mantille et le slip, savamment dévoilée et contenue, joue sur les teintes nocturnes sombres, bleu nuit, noir, parmi lesquelles la blancheur du corps révèle pleinement sa plastique naturelle.

Picasso use de cette forme de pichet pour mettre en place la nudité d’un corps féminin, et il en abuse aussi puisqu’elle lui permet de la représenter sans le bas de ses jambes. La forme modifie-t-elle pour autant le corps dans sa représentation ? Non, car le corps est dévoilé dans l’essentiel de sa féminité. L’absence de la représentation des jambes, modifie-t-elle la forme anthropomorphique du pichet obtenue par ce décor de chair ? Non, à l’inverse elle l’accentue davantage car en réservant à l’essentiel des attributs féminins la place centrale sur cette forme, le peintre met en évidence la rondeur des hanches de cette femme, l’élancement du haut de son corps et laisse imaginer que ses jambes non représentées sont à l’image de ce corps en partie dévoilé et en partie couvert ; là encore, la forme et le décor jouent ensemble ce jeu de révélation et de dissimulation orchestré par le peintre, architecte de la femme représentée et de la forme réimposée à la pièce céramique.

Femme

La forme conique de ce pichet présentant un léger étranglement avant son col rond orné d’une anse à angle vif attachée à sa base, est comprise par Picasso comme celle possible d’un corps féminin. L’étranglement supérieur figurera le cou, le petit col rond simulera une courte tête et la forme évasée du haut vers le bas donnera au corps cette amplitude naturelle d’une silhouette féminine ; l’anse située derrière le col descendra le long du dos de cette femme comme une longue tresse de cheveux.

Afin de révéler la féminité possible de cette forme, et faire de ce volume ordinaire de pichet un physique féminin, le peintre va mettre en scène dans un jeu de figuration et de dissimulation les attraits de la féminité ; il entoure l’arrière et les côtés de la pièce d’une longue cape bleue largement ouverte sur l’ensemble du devant, révélant sur un argile blanc mat un corps dont la nudité est mise en lumière en sa partie haute par quelques traits d’engobe bleu clair schématisant la poitrine et par quelques touches rondes situant autour du cou une anachronique parure de perles et en sa partie basse par un slip dont la densité du noir attire autant le regard que la blancheur des jambes qui s’en dégagent.

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À l’arrière de la tête, ceinte d’une mantille, et au dos, protégé par cette cape, s’oppose le devant du corps dont la blancheur de chair est révélée par cette généreuse ouverture de la cape que les mains de la femme ne semblent pas vouloir retenir.

Cette mise en scène impudique de la nudité par le bijou, la mantille et le slip, savamment dévoilée et contenue, joue sur les teintes nocturnes sombres, bleu nuit, noir, parmi lesquelles la blancheur du corps révèle pleinement sa plastique naturelle.

Picasso use de cette forme de pichet pour mettre en place la nudité d’un corps féminin, et il en abuse aussi puisqu’elle lui permet de la représenter sans le bas de ses jambes. La forme modifie-t-elle pour autant le corps dans sa représentation ? Non, car le corps est dévoilé dans l’essentiel de sa féminité. L’absence de la représentation des jambes, modifie-t-elle la forme anthropomorphique du pichet obtenue par ce décor de chair ? Non, à l’inverse elle l’accentue davantage car en réservant à l’essentiel des attributs féminins la place centrale sur cette forme, le peintre met en évidence la rondeur des hanches de cette femme, l’élancement du haut de son corps et laisse imaginer que ses jambes non représentées sont à l’image de ce corps en partie dévoilé et en partie couvert ; là encore, la forme et le décor jouent ensemble ce jeu de révélation et de dissimulation orchestré par le peintre, architecte de la femme représentée et de la forme réimposée à la pièce céramique.

Femme

La femme du barbu

Harald Theil, dans son article La céramique de Picasso, Les sources antiques et extra-Européennes, énonce (1) :

« Différentes sources sont à l’origine des vases en forme de tête de femme. Aux références antiques et préhispaniques sont à ajouter les sources africaines. Picasso collectionne des objets africains et océaniens. Il prête ses œuvres pour des expositions et permet leur publication, tel son tiki des îles Marquises reproduit en 1925 dans le livre Sculptures africaines et océaniennes, Colonies françaises et Congo Belge. Dans ce même ouvrage se trouvent les reproductions de coupes Bambala du Congo belge en forme de tête sculptée qui constituent ainsi une autre source possible d’inspiration avec les têtes précolombiennes et les vases antiques mentionnés ci-dessus, pour les têtes de femme que Picasso réalise en 1954 ».

La forme et le volume de ce pichet se prêtent parfaitement à la mise en place d’un décor figurant un visage ; haut, très ovalisé, il présente un diamètre susceptible d’encadrer une tête humaine et d’organiser harmonieusement la répartition de ses éléments.

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Ce volume et cette forme du pichet céramique très en hauteur et en rondeur, vont en effet donner leur plasticité au visage représenté, le remplir, lui transférer cette corporéité qu’un peintre sur un support plan ne saurait lui accorder.

Cette proéminence faciale avec un large front haut et, sous les yeux, une rondeur déclinante du bas du visage, rendue possible par cette forme du pichet, est accentuée par le trait qui l’entoure entièrement. De plus, pour renforcer cet encadrement de la face et la plénitude de sa présence, le visage est comme mis en avant par la mantille portée en arrière et sur le haut de la tête ; cette présentation de la face est d’autant plus manifeste qu’elle se détache, dans sa teinte ocre mat de chair, de l’entourage de cette parure noire et blanc vernissé, claire et dense tout à la fois.

Cette mantille et ces cheveux, par leur densité chromatique qui surplombe le visage en une anse figurant une natte nouée à son extrémité par un ruban vert et l’entoure également jusqu’au bas du menton, lui donnent une présence pleine et entière, une réalité physique incontournable qui efface totalement la forme initialement donnée à cette pièce en faïence. Le pichet n’est plus une forme d’objet qui puise son sens dans sa seule ustensilité mais la forme d’une tête qui se donne à voir sous tous les angles possibles pour qui la regarde. En apposant son décor, le peintre a bouleversé l’architecture de cette forme en en métamorphosant les éléments par la nouvelle fonction qu’il leur accorde.

(1) Picasso, Les Années Vallauris, RMN-Grand Palais, 2018

La femme du barbu

Harald Theil, dans son article La céramique de Picasso, Les sources antiques et extra-Européennes, énonce (1) :

« Différentes sources sont à l’origine des vases en forme de tête de femme. Aux références antiques et préhispaniques sont à ajouter les sources africaines. Picasso collectionne des objets africains et océaniens. Il prête ses œuvres pour des expositions et permet leur publication, tel son tiki des îles Marquises reproduit en 1925 dans le livre Sculptures africaines et océaniennes, Colonies françaises et Congo Belge. Dans ce même ouvrage se trouvent les reproductions de coupes Bambala du Congo belge en forme de tête sculptée qui constituent ainsi une autre source possible d’inspiration avec les têtes précolombiennes et les vases antiques mentionnés ci-dessus, pour les têtes de femme que Picasso réalise en 1954 ».

La forme et le volume de ce pichet se prêtent parfaitement à la mise en place d’un décor figurant un visage ; haut, très ovalisé, il présente un diamètre susceptible d’encadrer une tête humaine et d’organiser harmonieusement la répartition de ses éléments.

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Ce volume et cette forme du pichet céramique très en hauteur et en rondeur, vont en effet donner leur plasticité au visage représenté, le remplir, lui transférer cette corporéité qu’un peintre sur un support plan ne saurait lui accorder.

Cette proéminence faciale avec un large front haut et, sous les yeux, une rondeur déclinante du bas du visage, rendue possible par cette forme du pichet, est accentuée par le trait qui l’entoure entièrement. De plus, pour renforcer cet encadrement de la face et la plénitude de sa présence, le visage est comme mis en avant par la mantille portée en arrière et sur le haut de la tête ; cette présentation de la face est d’autant plus manifeste qu’elle se détache, dans sa teinte ocre mat de chair, de l’entourage de cette parure noire et blanc vernissé, claire et dense tout à la fois.

Cette mantille et ces cheveux, par leur densité chromatique qui surplombe le visage en une anse figurant une natte nouée à son extrémité par un ruban vert et l’entoure également jusqu’au bas du menton, lui donnent une présence pleine et entière, une réalité physique incontournable qui efface totalement la forme initialement donnée à cette pièce en faïence. Le pichet n’est plus une forme d’objet qui puise son sens dans sa seule ustensilité mais la forme d’une tête qui se donne à voir sous tous les angles possibles pour qui la regarde. En apposant son décor, le peintre a bouleversé l’architecture de cette forme en en métamorphosant les éléments par la nouvelle fonction qu’il leur accorde.

(1) Picasso, Les Années Vallauris, RMN-Grand Palais, 2018

La femme du barbu

Bouquet

Bouquet

L’intérêt de ce plat dans notre propos est que le peintre, par son intervention, soumet sa forme initiale à une pleine révolution ; rectangle à bords arrondis, il devient plus haut que large et transforme son horizontalité en verticalité.

Cette modification structurelle, le décor, seul, la rend possible et le peintre force le plat à cette remise en forme en lui déposant un décor qui se développe dans l’unique sens de la verticalité. La verticalité du vase, comme celle des fleurs, accompagne celle du plat et pour accentuer le parallélisme du mouvement ascendant du décor et de la forme du plat, le peintre va donner les mêmes courbures aux montants du vase, les mêmes inflexions aux tiges des fleurs qu’au marli de la pièce en faïence.

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Pour accentuer cet accompagnement de la forme du plat par le décor, le peintre encadre d’un filet blanc le motif représenté non seulement dans la verticalité de la scène, mais également dans son horizontalité réduite et place le vase sur une forme blanche en demi-lune dont le galbe et les arrondis dans le creux du plat font écho à ceux développés par la partie basse de la pièce en faïence.

Pour accorder plus de force à cette verticalité légèrement infléchie du vase et des fleurs et celle de la faïence même, le peintre va donner à son décor un fond rouge contrastant vivement avec le noir et le blanc qui définissent le bouquet de fleurs et entourer cette représentation d’une ronde de taches vert pâle déposées sur le marli noir du plat.

Cet encadrement du motif par un filet blanc, puis celui du filet par cette bordure de taches limite le décor dans sa position verticale et fixe le plat dans cette structure modifiée. Là encore le peintre, en faisant apparaître un décor, fait disparaitre la pièce dans sa forme originelle.

Ainsi posé, le décor donne la verticalité comme la seule forme de la pièce et inverse le rapport des proportions qu’elle propose structurellement. L’ingéniosité du peintre a été de concevoir que cette forme était mobile, que ses lignes pouvaient s’inverser si elles accompagnaient un décor développé verticalement. Dès lors le peintre, en posant son décor dans le creux du plat et sur toute sa hauteur, va donner à la verticalité une prééminence de mouvement et de forme et faire des anciennes dimensions de cette figure des lignes qui l’accompagnent et la développent naturellement.

Le peintre déstructure totalement le plat en lui donnant, par le décor posé, une autre orientation ; cette nouvelle architecture ne tient que par le décor figuré, et les lignes qui le composent assurent seules ce nouvel équilibre formel. Cette nouvelle orientation n’est pas une simple révolution d’une forme sur elle-même, mais une métamorphose structurelle due à la pensée du peintre qui l’a forcée à changer de sens en lui proposant d’y loger un vase empli de fleurs. Le décor s’empare du plat et le contraint à se rendre conforme aux conditions de son apparition.

Cette révolution architecturale de la pièce est une nouvelle structuration formelle exigée par le peintre pour y fixer son décor.

Bouquet

L’intérêt de ce plat dans notre propos est que le peintre, par son intervention, soumet sa forme initiale à une pleine révolution ; rectangle à bords arrondis, il devient plus haut que large et transforme son horizontalité en verticalité.

Cette modification structurelle, le décor, seul, la rend possible et le peintre force le plat à cette remise en forme en lui déposant un décor qui se développe dans l’unique sens de la verticalité. La verticalité du vase, comme celle des fleurs, accompagne celle du plat et pour accentuer le parallélisme du mouvement ascendant du décor et de la forme du plat, le peintre va donner les mêmes courbures aux montants du vase, les mêmes inflexions aux tiges des fleurs qu’au marli de la pièce en faïence.

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Pour accentuer cet accompagnement de la forme du plat par le décor, le peintre encadre d’un filet blanc le motif représenté non seulement dans la verticalité de la scène, mais également dans son horizontalité réduite et place le vase sur une forme blanche en demi-lune dont le galbe et les arrondis dans le creux du plat font écho à ceux développés par la partie basse de la pièce en faïence.

Pour accorder plus de force à cette verticalité légèrement infléchie du vase et des fleurs et celle de la faïence même, le peintre va donner à son décor un fond rouge contrastant vivement avec le noir et le blanc qui définissent le bouquet de fleurs et entourer cette représentation d’une ronde de taches vert pâle déposées sur le marli noir du plat.

Cet encadrement du motif par un filet blanc, puis celui du filet par cette bordure de taches limite le décor dans sa position verticale et fixe le plat dans cette structure modifiée. Là encore le peintre, en faisant apparaître un décor, fait disparaitre la pièce dans sa forme originelle.

Ainsi posé, le décor donne la verticalité comme la seule forme de la pièce et inverse le rapport des proportions qu’elle propose structurellement. L’ingéniosité du peintre a été de concevoir que cette forme était mobile, que ses lignes pouvaient s’inverser si elles accompagnaient un décor développé verticalement. Dès lors le peintre, en posant son décor dans le creux du plat et sur toute sa hauteur, va donner à la verticalité une prééminence de mouvement et de forme et faire des anciennes dimensions de cette figure des lignes qui l’accompagnent et la développent naturellement.

Le peintre déstructure totalement le plat en lui donnant, par le décor posé, une autre orientation ; cette nouvelle architecture ne tient que par le décor figuré, et les lignes qui le composent assurent seules ce nouvel équilibre formel. Cette nouvelle orientation n’est pas une simple révolution d’une forme sur elle-même, mais une métamorphose structurelle due à la pensée du peintre qui l’a forcée à changer de sens en lui proposant d’y loger un vase empli de fleurs. Le décor s’empare du plat et le contraint à se rendre conforme aux conditions de son apparition.

Cette révolution architecturale de la pièce est une nouvelle structuration formelle exigée par le peintre pour y fixer son décor.

Bouquet

Profil de Jacqueline

La forme de cette pièce « rond/carré » se prête pleinement au portrait de profil ; elle permet au peintre de développer son trait en suivant fidèlement ses courbes régulières et pour accentuer ce mouvement d’accompagnement et d’encadrement le peintre va , par contraste avec la forme cintrée du plat, donner aux traits qui figurent la coiffe de Jacqueline, des directions purement obliques et leur permettre de former de nombreux angles aigus ou largement ouverts, rejetant ainsi la rondeur à l’extérieur du décor et la réservant à la seule forme de la pièce.

Les lignes obliques de la coiffe, la ligne frontale, celle du nez, et celle du cou suivent pourtant sans adopter la forme circulaire du plat, son mouvement arrondi et pour donner davantage encore de vivacité à cette correspondance de mouvement entre la forme du plat et celui du décor qu’il contient, Picasso donnera, tel un sculpteur, une épaisseur de trait de camée au décor de cette pièce céramique par le procédé de l’estampage.

Profil de Jacqueline

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Ce relief a une grande importance puisque la pièce, réalisée en pâte blanche, ne présente aucun décor polychrome. Seul ce relief, par un jeu de lumière et d’ombre qu’il organise au sein des parties qui le composent, saura donner sens au décor et le situer pleinement dans cette forme réservée. Sa bordure relevée, libre de tout décor presque sur sa totalité, privilégie de la sorte le portrait de profil en lui accordant d’occuper toute la surface de l’espace central. Les lignes obliques accentuées par l’épaisseur de leur trait concentrent le regard vers le décor dessiné et l’éloignent de la forme qui le contient. La forme de la pièce devient celle du seul profil de Jacqueline qu’elle encadre, en réserve, par un mouvement approprié.

Profil de Jacqueline

La forme de cette pièce « rond/carré » se prête pleinement au portrait de profil ; elle permet au peintre de développer son trait en suivant fidèlement ses courbes régulières et pour accentuer ce mouvement d’accompagnement et d’encadrement le peintre va , par contraste avec la forme cintrée du plat, donner aux traits qui figurent la coiffe de Jacqueline, des directions purement obliques et leur permettre de former de nombreux angles aigus ou largement ouverts, rejetant ainsi la rondeur à l’extérieur du décor et la réservant à la seule forme de la pièce.

Les lignes obliques de la coiffe, la ligne frontale, celle du nez, et celle du cou suivent pourtant sans adopter la forme circulaire du plat, son mouvement arrondi et pour donner davantage encore de vivacité à cette correspondance de mouvement entre la forme du plat et celui du décor qu’il contient, Picasso donnera, tel un sculpteur, une épaisseur de trait de camée au décor de cette pièce céramique par le procédé de l’estampage.

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Ce relief a une grande importance puisque la pièce, réalisée en pâte blanche, ne présente aucun décor polychrome. Seul ce relief, par un jeu de lumière et d’ombre qu’il organise au sein des parties qui le composent, saura donner sens au décor et le situer pleinement dans cette forme réservée. Sa bordure relevée, libre de tout décor presque sur sa totalité, privilégie de la sorte le portrait de profil en lui accordant d’occuper toute la surface de l’espace central. Les lignes obliques accentuées par l’épaisseur de leur trait concentrent le regard vers le décor dessiné et l’éloignent de la forme qui le contient. La forme de la pièce devient celle du seul profil de Jacqueline qu’elle encadre, en réserve, par un mouvement approprié.

Profil de Jacqueline

Le barbu

Le barbu

L’intérêt de cette pièce dont la forme très ordinaire de pichet est réduite à la seule fonction de contenir et de verser un liquide, est dans la métamorphose de son apparence que l’apport pictural du décor va provoquer.

Picasso en effet va profiter de la succession de ses formes convexes et concaves pour adapter ces mouvements inverses, aux courbes de la tête humaine ; la pièce peut donc être regardée dans son ensemble, de profil ou de face, pour être comprise comme une plastique aux volumes et aux proportions semblables à celles d’une tête d’homme.

Le barbu

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Pour délimiter ces volumes et leur conférer un espace approprié, le peintre va, d’un large trait en arc, marquer la hauteur de la courbure frontale et, en plusieurs incisions situant les paupières, les yeux, l’arrête nasale et la bouche, placer les éléments du facies. La forme du bas du visage est définie par de larges traits noirs obliques figurant la barbe d’un côté à l’autre du visage. Ainsi quelques traits peints ou incisés suffisent pour donner à ces mouvements convexes et concaves doublement répétés sur l’avant du pichet une similitude de forme et de physionomie à celle d’une tête humaine.

Pour crédibiliser plus encore cette métamorphose du pichet en tête humaine, le peintre va revêtir le devant de cette pièce en faïence blanche d’un engobe à la teinte de chair, et contraster son expression en déposant un oxyde blanc dans les traits incisés marquant les yeux, le nez et la bouche. La barbe, peinte par un engobe bien noir, participe de cette vive opposition des teintes qui contribue à situer pleinement les éléments faciaux de ce visage.

Afin de retirer totalement à cette forme sa fonction initiale de pichet, de la détourner définitivement de son ustensilité, le peintre va entourer cette tête d’une couronne végétale dissimulant le bec verseur de la pièce, participant ainsi par cette ornementation à sa métamorphose.

De manière identique, l’arrière de la pièce dans ce double mouvement de convexité et de concavité, est mis à profit pour simuler le haut du crane délimité par la couronne de feuilles de vigne, la nuque et le cou marqués par un fond gris et noir. Pour cette raison, si la pièce présente un visage de face, elle peut être regardée sous plusieurs angles car sa forme dans sa totalité est interprétée comme celle d’une tête humaine.

Le barbu

L’intérêt de cette pièce dont la forme très ordinaire de pichet est réduite à la seule fonction de contenir et de verser un liquide, est dans la métamorphose de son apparence que l’apport pictural du décor va provoquer.

Picasso en effet va profiter de la succession de ses formes convexes et concaves pour adapter ces mouvements inverses, aux courbes de la tête humaine ; la pièce peut donc être regardée dans son ensemble, de profil ou de face, pour être comprise comme une plastique aux volumes et aux proportions semblables à celles d’une tête d’homme.

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Pour délimiter ces volumes et leur conférer un espace approprié, le peintre va, d’un large trait en arc, marquer la hauteur de la courbure frontale et, en plusieurs incisions situant les paupières, les yeux, l’arrête nasale et la bouche, placer les éléments du facies. La forme du bas du visage est définie par de larges traits noirs obliques figurant la barbe d’un côté à l’autre du visage. Ainsi quelques traits peints ou incisés suffisent pour donner à ces mouvements convexes et concaves doublement répétés sur l’avant du pichet une similitude de forme et de physionomie à celle d’une tête humaine.

Pour crédibiliser plus encore cette métamorphose du pichet en tête humaine, le peintre va revêtir le devant de cette pièce en faïence blanche d’un engobe à la teinte de chair, et contraster son expression en déposant un oxyde blanc dans les traits incisés marquant les yeux, le nez et la bouche. La barbe, peinte par un engobe bien noir, participe de cette vive opposition des teintes qui contribue à situer pleinement les éléments faciaux de ce visage.

Afin de retirer totalement à cette forme sa fonction initiale de pichet, de la détourner définitivement de son ustensilité, le peintre va entourer cette tête d’une couronne végétale dissimulant le bec verseur de la pièce, participant ainsi par cette ornementation à sa métamorphose.

De manière identique, l’arrière de la pièce dans ce double mouvement de convexité et de concavité, est mis à profit pour simuler le haut du crane délimité par la couronne de feuilles de vigne, la nuque et le cou marqués par un fond gris et noir. Pour cette raison, si la pièce présente un visage de face, elle peut être regardée sous plusieurs angles car sa forme dans sa totalité est interprétée comme celle d’une tête humaine.

Le barbu

Chouette visage de femme

Chouette visage de femme
vue de trois-quarts gauche

Chouette visage de femme
vue de profil gauche

La forme « chouette » a souvent été utilisée par Picasso dans son travail de peintre sur céramique ; il l’a souvent revêtue de plumages de teintes diverses, souvent aussi travaillée par incisions creusant son corps de marques prononcées afin d’accentuer le positionnement des plumes ou de révéler plus encore la composition polychrome de ce plumage lisse et dense.

La chouette appartient au registre de la mythologie grecque dans laquelle Picasso a puisé certaines sources de son inspiration (joueur de diaule, tête de faune…) et symbolise Athéna, déesse de la sagesse.

Harald Theil dans son article La Céramique de Picasso, Les Sources Antiques et Extra-Européennes (1) énonce que l’on trouve dans l’Encyclopédie photographique de l’art dont les tomes I à III ont paru entre 36 et 38, « un vase plastique en forme de chouette daté de 640 avant J.C., que le musée du Louvre conserve depuis 1907 et qui a inspiré plusieurs formes de chouettes en céramique de la main de l’artiste, dont certaines semblent, comme l’antique aryballe, se tourner avec curiosité vers nous ».

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En s’emparant de la forme « chouette » et en transférant sur elle un décor de visage, Picasso peut-être associe, sans les confondre pourtant, animalité et humanité et, en attribuant une féminité à ce visage, accorde à ce bestiaire humain une grâce spécifique comme il est accordé aux sphinge et centaure, faits d’un corps animal, d’une tête et d’un buste humains, la puissance et l’intelligence, la force et la beauté.

Rien en effet dans cette forme ne se plie et ne s’adapte à la plastique féminine ou au visage d’une femme ; elle conserve à part entière sa morphologie de volatile au corps replié, debout sur ses pattes. Aucun détournement de cette forme n’est proposé par l’artiste pour approcher l’animal de la femme, lui donner une configuration humaine, une apparence qui lui ferait quitter pour une part le monde animal et appartenir pour une autre au monde humain. Seule une représentation graphique stylisée faite d’arcs, de courbes, de points, de lignes, met en place sur ce corps d’animal ces éléments du décor qui composent exclusivement un visage humain, sans qu’aucun plumage n’y soit symbolisé.

Est-ce dire que le peintre architecte abandonne la relation métamorphique qu’il souhaite établir entre la forme et le décor ? Certes pas ! La forme céramique donnant corps à une chouette debout sur ses pattes, est en effet détournée vers d’autres fins. Picasso use de cette base comme d’un cou humain, confond la forme du haut du corps du volatile et le volume d’une figure humaine en assimilant la forme ronde et pleine du poitrail animal au volume galbé d’un facies humain qui contient les joues, la bouche et les oreilles, et utilise le resserrement du col de la céramique pour y figurer les yeux sur un espace plus en retrait.

En effet, il ne s’agit pas ici de métamorphoser une forme animale en un visage humain, mais de faire cohabiter sur un même support deux mondes profondément distincts. Le même support a qualité de figurer ces deux mondes dans une fusion formelle où se confondent visage humain et corps animalier.

Le visage humain figuré sur ce corps animal porte tout au long de son arrête nasale une scarification comme la marque non effacée de combats violents ; l’arc de la bouche largement évasé et les yeux grandement ouverts donnent à ce visage une physionomie bienveillante et à ce corps replié debout, une position d’attente face à ce qui est observé. L’immobilité et l’attente ressortent de la position de ce corps, une impression d’observation attentive émane de ces yeux parfaitement ronds et ouverts et cette bouche souriante retire à l’animal son étrangeté naturelle et le rapproche du monde humain.

La position debout à l’arrêt de l’animal, visage humain en avant, rapproche cette composition du centaure et du sphinge. Comme ces deux créatures mi humaines mi animales, la chouette se présente de face, debout, dans une fixité de pause et de regard et énonce par ce positionnement, cette présentation, son étrange appartenance à ces deux mondes distincts. La chouette cependant appartient au monde céleste et non au monde terrestre comme la partie animale du centaure ou celle du sphinx. En accordant un visage humain, un visage féminin, à cet oiseau de nuit, Picasso lui attribue un rôle de surveillance du monde où rien n’échappe à l’acuité de son regard ni à la douceur de son mystérieux sourire.

(1) Picasso, Les Années Vallauris, RMN-Grand Palais, 2018

Chouette visage de femme

La forme « chouette » a souvent été utilisée par Picasso dans son travail de peintre sur céramique ; il l’a souvent revêtue de plumages de teintes diverses, souvent aussi travaillée par incisions creusant son corps de marques prononcées afin d’accentuer le positionnement des plumes ou de révéler plus encore la composition polychrome de ce plumage lisse et dense.

La chouette appartient au registre de la mythologie grecque dans laquelle Picasso a puisé certaines sources de son inspiration (joueur de diaule, tête de faune…) et symbolise Athéna, déesse de la sagesse.

Harald Theil dans son article La Céramique de Picasso, Les Sources Antiques et Extra-Européennes (1) énonce que l’on trouve dans l’Encyclopédie photographique de l’art dont les tomes I à III ont paru entre 36 et 38, « un vase plastique en forme de chouette daté de 640 avant J.C., que le musée du Louvre conserve depuis 1907 et qui a inspiré plusieurs formes de chouettes en céramique de la main de l’artiste, dont certaines semblent, comme l’antique aryballe, se tourner avec curiosité vers nous ».

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En s’emparant de la forme « chouette » et en transférant sur elle un décor de visage, Picasso peut-être associe, sans les confondre pourtant, animalité et humanité et, en attribuant une féminité à ce visage, accorde à ce bestiaire humain une grâce spécifique comme il est accordé aux sphinge et centaure, faits d’un corps animal, d’une tête et d’un buste humains, la puissance et l’intelligence, la force et la beauté.

Rien en effet dans cette forme ne se plie et ne s’adapte à la plastique féminine ou au visage d’une femme ; elle conserve à part entière sa morphologie de volatile au corps replié, debout sur ses pattes. Aucun détournement de cette forme n’est proposé par l’artiste pour approcher l’animal de la femme, lui donner une configuration humaine, une apparence qui lui ferait quitter pour une part le monde animal et appartenir pour une autre au monde humain. Seule une représentation graphique stylisée faite d’arcs, de courbes, de points, de lignes, met en place sur ce corps d’animal ces éléments du décor qui composent exclusivement un visage humain, sans qu’aucun plumage n’y soit symbolisé.

Est-ce dire que le peintre architecte abandonne la relation métamorphique qu’il souhaite établir entre la forme et le décor ? Certes pas ! La forme céramique donnant corps à une chouette debout sur ses pattes, est en effet détournée vers d’autres fins. Picasso use de cette base comme d’un cou humain, confond la forme du haut du corps du volatile et le volume d’une figure humaine en assimilant la forme ronde et pleine du poitrail animal au volume galbé d’un facies humain qui contient les joues, la bouche et les oreilles, et utilise le resserrement du col de la céramique pour y figurer les yeux sur un espace plus en retrait.

En effet, il ne s’agit pas ici de métamorphoser une forme animale en un visage humain, mais de faire cohabiter sur un même support deux mondes profondément distincts. Le même support a qualité de figurer ces deux mondes dans une fusion formelle où se confondent visage humain et corps animalier.

Le visage humain figuré sur ce corps animal porte tout au long de son arrête nasale une scarification comme la marque non effacée de combats violents ; l’arc de la bouche largement évasé et les yeux grandement ouverts donnent à ce visage une physionomie bienveillante et à ce corps replié debout, une position d’attente face à ce qui est observé. L’immobilité et l’attente ressortent de la position de ce corps, une impression d’observation attentive émane de ces yeux parfaitement ronds et ouverts et cette bouche souriante retire à l’animal son étrangeté naturelle et le rapproche du monde humain.

La position debout à l’arrêt de l’animal, visage humain en avant, rapproche cette composition du centaure et du sphinge. Comme ces deux créatures mi humaines mi animales, la chouette se présente de face, debout, dans une fixité de pause et de regard et énonce par ce positionnement, cette présentation, son étrange appartenance à ces deux mondes distincts. La chouette cependant appartient au monde céleste et non au monde terrestre comme la partie animale du centaure ou celle du sphinx. En accordant un visage humain, un visage féminin, à cet oiseau de nuit, Picasso lui attribue un rôle de surveillance du monde où rien n’échappe à l’acuité de son regard ni à la douceur de son mystérieux sourire.

(1) Picasso, Les Années Vallauris, RMN-Grand Palais, 2018

Chouette visage de femme

Corrida verte

Corrida verte

La passion de Picasso pour la corrida s’explique sans aucun doute par ses origines espagnoles ; le peintre dans son œuvre céramique a fréquemment représenté des scènes de corrida, de tauromachie, et la faïence dans diverses formes a servi de support à ces mises en scène.
La difficulté dans la transposition d’un tel spectacle est de le figurer pleinement, dans sa totalité et non pas restrictivement en le limitant à ce qui se passe sur la piste avec ses acteurs principaux, animaux et hommes. Il faut pour cela que l’ensemble de l’arène, soit une perspective ouverte de 360°, puisse être transféré sur le plat en faïence. Comment déposer ce vaste tour de l’arène sur un plat creux rectangulaire et donner cette vue d’ensemble de la corrida à celui qui regarde ce plat ?

Le subterfuge est d’utiliser le marli du plat pour y figurer le décor en lui accordant le même rôle que le centre de la pièce car tout autour de l’arène sont installés les spectateurs, assis, debout, séparément ou dans des loges, et ces personnes, par leur présence nombreuse et bruyante, communiquent avec toréadors et picadors au centre de la piste.

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Ainsi la bordure du plat mérite, aux yeux du peintre, autant d’intérêt et d’attention que le creux ménagé entre ses extrêmes. Aussi va-t-il installer dans le plat et sur son tour extérieur plusieurs bordures pour délimiter ces zones où le spectacle se joue avec les acteurs et ces zones où les spectateurs s’animent à la vue de la scène centrale.

La forme du plat recevant l’ensemble de l’arène développe ainsi cette vision synoptique du spectateur et rien de cette large piste ovale et des gradins qui l’entourent n’échappe à cette coursive de faïence qui enserre la scène centrale en la surplombant légèrement.
Pour accentuer cette dimension de hauteur, de verticalité, et lui donner une importance égale à la dimension d’horizontalité qui note la mesure de la piste, le peintre va entourer la piste centrale d’un trait pour la délimiter dans le fond de la pièce, et par de-là cette zone signifier, en quelques courbes, les emplacements surélevés les uns au-dessus des autres où figurent les spectateurs.

La bordure du plat est dès lors aussi décorée que l’arène est remplie de spectateurs et son centre met en place tous les acteurs de la tauromachie réelle. La pièce avec sa large bordure inclinée privilégiant le creux installé en son intérieur a perdu sa forme d’origine ; en effet, le peintre en posant sur le marli du plat une part de son décor a fait sortir le centre de la pièce de la réserve que sa forme lui consacrait et lui a donné les dimensions du spectacle proposé à l’œil qui le contemplait.

Afin d’accentuer cette impression de plénitude du spectacle, le peintre non seulement répartit son décor horizontalement dans un souci de parfaite harmonie, de juste équilibre entre ses parties, entre ses composants, en situant l’action au milieu du plat, plaçant également les personnages de part et d’autre, mais il donne de l’ensemble une vue surélevée comme s’il était un observateur situé au centre d’une tribune encore plus haut placée. Ainsi la forme creuse du plat et sa forme ovalisée sont comprises par le peintre comme autant d’espaces assemblés où toutes les dimensions du réel peuvent figurer par la mise en scène qu’il saura composer.

Corrida verte

La passion de Picasso pour la corrida s’explique sans aucun doute par ses origines espagnoles ; le peintre dans son œuvre céramique a fréquemment représenté des scènes de corrida, de tauromachie, et la faïence dans diverses formes a servi de support à ces mises en scène.
La difficulté dans la transposition d’un tel spectacle est de le figurer pleinement, dans sa totalité et non pas restrictivement en le limitant à ce qui se passe sur la piste avec ses acteurs principaux, animaux et hommes. Il faut pour cela que l’ensemble de l’arène, soit une perspective ouverte de 360°, puisse être transféré sur le plat en faïence. Comment déposer ce vaste tour de l’arène sur un plat creux rectangulaire et donner cette vue d’ensemble de la corrida à celui qui regarde ce plat ?

Le subterfuge est d’utiliser le marli du plat pour y figurer le décor en lui accordant le même rôle que le centre de la pièce car tout autour de l’arène sont installés les spectateurs, assis, debout, séparément ou dans des loges, et ces personnes, par leur présence nombreuse et bruyante, communiquent avec toréadors et picadors au centre de la piste.

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Ainsi la bordure du plat mérite, aux yeux du peintre, autant d’intérêt et d’attention que le creux ménagé entre ses extrêmes. Aussi va-t-il installer dans le plat et sur son tour extérieur plusieurs bordures pour délimiter ces zones où le spectacle se joue avec les acteurs et ces zones où les spectateurs s’animent à la vue de la scène centrale.

La forme du plat recevant l’ensemble de l’arène développe ainsi cette vision synoptique du spectateur et rien de cette large piste ovale et des gradins qui l’entourent n’échappe à cette coursive de faïence qui enserre la scène centrale en la surplombant légèrement.
Pour accentuer cette dimension de hauteur, de verticalité, et lui donner une importance égale à la dimension d’horizontalité qui note la mesure de la piste, le peintre va entourer la piste centrale d’un trait pour la délimiter dans le fond de la pièce, et par de-là cette zone signifier, en quelques courbes, les emplacements surélevés les uns au-dessus des autres où figurent les spectateurs.

La bordure du plat est dès lors aussi décorée que l’arène est remplie de spectateurs et son centre met en place tous les acteurs de la tauromachie réelle. La pièce avec sa large bordure inclinée privilégiant le creux installé en son intérieur a perdu sa forme d’origine ; en effet, le peintre en posant sur le marli du plat une part de son décor a fait sortir le centre de la pièce de la réserve que sa forme lui consacrait et lui a donné les dimensions du spectacle proposé à l’œil qui le contemplait.

Afin d’accentuer cette impression de plénitude du spectacle, le peintre non seulement répartit son décor horizontalement dans un souci de parfaite harmonie, de juste équilibre entre ses parties, entre ses composants, en situant l’action au milieu du plat, plaçant également les personnages de part et d’autre, mais il donne de l’ensemble une vue surélevée comme s’il était un observateur situé au centre d’une tribune encore plus haut placée. Ainsi la forme creuse du plat et sa forme ovalisée sont comprises par le peintre comme autant d’espaces assemblés où toutes les dimensions du réel peuvent figurer par la mise en scène qu’il saura composer.

Corrida verte

Tête polychrome

L’intérêt de la forme de cette pièce, simple carré de faïence, est dans la transposition visuelle que Picasso va lui faire subir en plaçant une figure ronde presque sur l’ensemble de sa surface, laissant autour d’elle un faible espace sans décor. Et pour accentuer la prééminence de cette forme ronde et amenuiser la forme carrée qui la contient, le peintre va lui donner une blancheur intense et une brillance vive alors qu’il accorde à son entourage une teinte marron neutre, fade et délavée dont la matité renforce l’anonymat et le peu de caractère.

Cette rondeur blanche accapare le regard, le détourne de ce qui l’environne et cette attirance vers le centre de la pièce est d’autant plus prenante qu’elle enferme un visage figuré par des teintes vives, acidulées, brillantes. Le regard du spectateur entre alors dans un rapport de communication, dans un vis-à-vis avec cette face aux yeux orientés, fixés vers lui et avec cette bouche dont l’expression lui semble adressée ; son regard ne peut s’échapper ni de ce visage entièrement tourné vers lui ni de cette bouche dont la moue interrogative semble attendre une réponse de sa part.

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La forme originelle du carreau a disparu ; la rondeur du visage la repoussée, sa blancheur l’a envahie, son irrégularité en a aussi modifié l’apparence. Rien ne reste de cette surface carrée qu’une simple bordure autour d’une figure ronde.

Le spectateur regarde ainsi ce visage comme le portrait de face réalisé par un peintre et reste en arrêt devant lui ; le portrait devient tableau de forme ronde placé dans un cadre carré, en bois aux teintes brunes naturelles.

Tête polychrome

L’intérêt de la forme de cette pièce, simple carré de faïence, est dans la transposition visuelle que Picasso va lui faire subir en plaçant une figure ronde presque sur l’ensemble de sa surface, laissant autour d’elle un faible espace sans décor. Et pour accentuer la prééminence de cette forme ronde et amenuiser la forme carrée qui la contient, le peintre va lui donner une blancheur intense et une brillance vive alors qu’il accorde à son entourage une teinte marron neutre, fade et délavée dont la matité renforce l’anonymat et le peu de caractère.

Cette rondeur blanche accapare le regard, le détourne de ce qui l’environne et cette attirance vers le centre de la pièce est d’autant plus prenante qu’elle enferme un visage figuré par des teintes vives, acidulées, brillantes. Le regard du spectateur entre alors dans un rapport de communication, dans un vis-à-vis avec cette face aux yeux orientés, fixés vers lui et avec cette bouche dont l’expression lui semble adressée ; son regard ne peut s’échapper ni de ce visage entièrement tourné vers lui ni de cette bouche dont la moue interrogative semble attendre une réponse de sa part.

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La forme originelle du carreau a disparu ; la rondeur du visage la repoussée, sa blancheur l’a envahie, son irrégularité en a aussi modifié l’apparence. Rien ne reste de cette surface carrée qu’une simple bordure autour d’une figure ronde.

Le spectateur regarde ainsi ce visage comme le portrait de face réalisé par un peintre et reste en arrêt devant lui ; le portrait devient tableau de forme ronde placé dans un cadre carré, en bois aux teintes brunes naturelles.

Tête polychrome

Vase deux anses hautes

Vase deux anses hautes

Dans le questionnement qui est le nôtre, l’appropriation de la forme céramique par le décor que le peintre y appose, l’intérêt de ce vase est majeur.

Dépourvu de tout décor, il présente en effet une forme classique avec un corps pansu oblong reposant sur une base ronde en doucine et un long col droit s’évasant sur une ouverture circulaire ; il est muni de deux anses latérales en demi-cercle fixées de part et d’autre de la base du col.

La forme de ce vase tire son origine de celle de l’amphore antique qui présente un corps pansu avec un col étroit et deux anses, servant à la manutention, et repose sur un pied rond.

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Le décor que le peintre y fixe métamorphose ce vase et lui accorde une apparence anthropomorphe. Le peintre a interprété les volumes du vase et leurs proportions comme des structures caractéristiques du corps humain et les a assimilés à sa morphologie. Le corps pansu du vase devient celui d’un corps humain, les anses arrondies figurent des bras ouverts entre l’épaule et la hanche, le col de la pièce s’apparente au cou de l’homme ; seule la forme de la tête humaine, absente du volume du vase, obligera le peintre à la représenter sur le col lui-même sans pour autant que cette représentation déstructure l’harmonie de cette composition anthropomorphique. Ce corps est celui d’une femme dont la poitrine, dessinée par les incisions qui l’entourent, est mise en relief par l’amplitude du pichet.

Afin de rendre évidente cette métamorphose du vase céramique en sculpture imitant la forme du corps humain, le peintre va revêtir le corps pansu de la pièce et ses anses d’un décor de taches brillantes faites d’oxydes noires et blanches et d’incisions en étoiles à l’imitation d’un vêtement imprimé et, par des traits obliques incisés dans le bas de la pièce, simuler le positionnement des jambes. Le peintre posera sur le col du vase quelques traits noir brillant sur un fond blanc vernissé afin de donner une figure à ce corps debout et accorder à ce regard l’étonnement et à la bouche l’ironie qui conviennent à ce haussement d’épaules et l’accompagnent pleinement.

Là encore, la faible représentation des jambes, marquées seulement par quelques courts traits incisés, disproportionnée par rapport aux autres éléments du corps ne met en danger ni la capacité de la forme céramique à figurer l’ensemble de la stature humaine ni la capacité du décor à mettre en valeur ce volume approprié de la forme céramique. La pleine rondeur du pichet, l’amplitude donnée à ses anses, et la hauteur du col donnent au peintre la possibilité d’accorder au visage et aux parties du corps, ainsi posés, la quasi-totalité de l’espace de représentation ; et pour accentuer cette place essentielle accordée à l’une comme à l’autre, le peintre jouera des oppositions de teintes noire et blanche en alternant la couleur du fond et celle du décor pour chacune des deux parties représentées : Fond blanc du visage décoré de teintes sombres, fond sombre du corps dégagé d’incisions blanches.

Là encore, le peintre par un jeu d’illusions optiques accorde à ce pichet une plastique que sa fonction d’instrument ne saurait lui faire reconnaitre. Le peintre magicien, par ses traits de pinceau et de couteau, métamorphose cette forme-objet en forme pleinement humaine.

Vase deux anses hautes

Dans le questionnement qui est le nôtre, l’appropriation de la forme céramique par le décor que le peintre y appose, l’intérêt de ce vase est majeur.

Dépourvu de tout décor, il présente en effet une forme classique avec un corps pansu oblong reposant sur une base ronde en doucine et un long col droit s’évasant sur une ouverture circulaire ; il est muni de deux anses latérales en demi-cercle fixées de part et d’autre de la base du col.

La forme de ce vase tire son origine de celle de l’amphore antique qui présente un corps pansu avec un col étroit et deux anses, servant à la manutention, et repose sur un pied rond.

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Le décor que le peintre y fixe métamorphose ce vase et lui accorde une apparence anthropomorphe. Le peintre a interprété les volumes du vase et leurs proportions comme des structures caractéristiques du corps humain et les a assimilés à sa morphologie. Le corps pansu du vase devient celui d’un corps humain, les anses arrondies figurent des bras ouverts entre l’épaule et la hanche, le col de la pièce s’apparente au cou de l’homme ; seule la forme de la tête humaine, absente du volume du vase, obligera le peintre à la représenter sur le col lui-même sans pour autant que cette représentation déstructure l’harmonie de cette composition anthropomorphique. Ce corps est celui d’une femme dont la poitrine, dessinée par les incisions qui l’entourent, est mise en relief par l’amplitude du pichet.

Afin de rendre évidente cette métamorphose du vase céramique en sculpture imitant la forme du corps humain, le peintre va revêtir le corps pansu de la pièce et ses anses d’un décor de taches brillantes faites d’oxydes noires et blanches et d’incisions en étoiles à l’imitation d’un vêtement imprimé et, par des traits obliques incisés dans le bas de la pièce, simuler le positionnement des jambes. Le peintre posera sur le col du vase quelques traits noir brillant sur un fond blanc vernissé afin de donner une figure à ce corps debout et accorder à ce regard l’étonnement et à la bouche l’ironie qui conviennent à ce haussement d’épaules et l’accompagnent pleinement.

Là encore, la faible représentation des jambes, marquées seulement par quelques courts traits incisés, disproportionnée par rapport aux autres éléments du corps ne met en danger ni la capacité de la forme céramique à figurer l’ensemble de la stature humaine ni la capacité du décor à mettre en valeur ce volume approprié de la forme céramique. La pleine rondeur du pichet, l’amplitude donnée à ses anses, et la hauteur du col donnent au peintre la possibilité d’accorder au visage et aux parties du corps, ainsi posés, la quasi-totalité de l’espace de représentation ; et pour accentuer cette place essentielle accordée à l’une comme à l’autre, le peintre jouera des oppositions de teintes noire et blanche en alternant la couleur du fond et celle du décor pour chacune des deux parties représentées : Fond blanc du visage décoré de teintes sombres, fond sombre du corps dégagé d’incisions blanches.

Là encore, le peintre par un jeu d’illusions optiques accorde à ce pichet une plastique que sa fonction d’instrument ne saurait lui faire reconnaitre. Le peintre magicien, par ses traits de pinceau et de couteau, métamorphose cette forme-objet en forme pleinement humaine.

Vase deux anses hautes

Conclusion

Ces quelques poteries d’édition Madoura-Picasso montrent l’active participation du peintre à la transformation formelle du support sur lequel il appose son décor, sa volonté de ne pas intervenir sur ce matériau en simple décorateur.

Sa vision métamorphique accorde à la forme céramique une plasticité qu’elle ne saurait avoir d’elle-même. La peinture devient ainsi le relai d’une modification architecturale de l’objet, le transformant par le décor qu’elle installe et l’apparence nouvelle qu’elle lui donne. Plus qu’un geste de peintre, elle est celui d’un architecte qui organise une composition à partir de deux éléments, forme et décor, sachant placer l’un pour déplacer l’autre.

Cette création peut dès lors être comprise comme une sculpture nouvellement mise en forme, et ce travail métamorphique de la peinture, Picasso saura par son œuvre de sculpteur, de plasticien, le prolonger et lui donner une véritable émancipation dans les formes céramiques qu’il réalisera au sein de l’atelier dans ses nombreuses créations originales.