Le monde merveilleux de la Tsuba
Pourquoi collectionner les tsuba ?
L’intérêt est multiple. L’œil du collectionneur de tsuba pourra être celui de l’amateur d’orfèvrerie, l’amateur de miniatures, mais aussi l’historien d’art féru de culture et d’histoire de l’Asie ou le spécialiste de métaux précieux ou non, sans oublier le passionné d’art abstrait adepte de la modernité. Car, oui, la garde de sabre, même si elle a plusieurs siècles, recèle parfois l’essence de la modernité et de la contemporanéité.
Pourquoi collectionner les tsuba ?
L’intérêt est multiple. L’œil du collectionneur de tsuba pourra être celui de l’amateur d’orfèvrerie, l’amateur de miniatures, mais aussi l’historien d’art féru de culture et d’histoire de l’Asie ou le spécialiste de métaux précieux ou non, sans oublier le passionné d’art abstrait adepte de la modernité. Car, oui, la garde de sabre, même si elle a plusieurs siècles, recèle parfois l’essence de la modernité et de la contemporanéité.
Cette première exposition consacrée aux gardes de sabre japonaises abordera la très riche iconographie figurative et réaliste utilisée dans l’ornement des ces objets. D’autres expositions à suivre révèleront un choix de décor, par certains artisans et certaines écoles, bien plus moderne, très stylisé pour parfois côtoyer l’abstraction. Une troisième partie sera consacrée au côté plus technique, à savoir les divers métaux et alliages utilisés. Les méthodes de gravures, ciselures et incrustations pour enfin conclure sur l’aspect essentiel dans la lecture et la compréhension du décor, les patines.
La tsuba ou garde de sabre est un des nombreux éléments constituant le sabre japonais. Si dans les époques les plus anciennes on pouvait la considérer comme assez rustique, elle deviendra vite un objet permettant l’expression artistique de nombreux artisans pour ne pas dire artistes et même devenir par la suite de véritables tours de force dignes des plus grands orfèvres. A tel point que des écoles au style bien défini vont naître et des générations de ciseleurs se succéder et transmettre les techniques et les connaissances de leurs maîtres d’année en année et ce pendant plusieurs siècles.
L’engouement pour la collection de tsuba date de l’ouverture du Japon vers l’Occident à l’époque Meiji (1868-1912). La découverte d’un art peu connu voire inconnu déclencha une ferveur de la part d’amateurs du monde entier. En France les collections du Marquis de Tressan, Samuel Bing, Charles Gillot ou François Poncetton laissèrent des traces et restent toujours des références, même si avec le temps et les différentes recherches certaines datations et attributions ont pu changer.
Nous tenterons de donner dans cette première exposition consacrée aux tsuba, une lecture éclairante du décor et des sujets utilisés pour orner ces objets. Nous y rencontrerons différents mythes et légendes parfois venus de Chine mais aussi des personnages historiques issus du monde bouddhiste ou de la caste des nobles et des samouraïs.
Le monde merveilleux de la tsuba sans aucun doute égaiera votre œil et vous instruira sur l’histoire du Japon grâce au monde merveilleux de la tsuba.
La légende de Shoki, le pourfendeur de démons
Shoki est un personnage mythologique chinois connu pour être « l’ange gardien » de l’empereur Xuanzong. Shoki apparut un jour à l’empereur et lui expliqua sa triste histoire…
Étudiant en droit n’ayant pas réussi les examens officiels, il préféra se suicider plutôt que de vivre sans titre. L’empereur rétablit son honneur en le faisant inhumer en grande pompe. En signe de reconnaissance, Shoki lui promet de se vouer à l’extermination des démons.
Si le Pays du Milieu le représente souvent sous la forme d’un homme d’âge mur portant des vêtements de lettré, les japonais lui donnent l’aspect terrible d’un géant à la figure menaçante et à la longue barbe flottante. Il porte une robe de cour chinoise et un sabre à deux tranchants. Il est reconnaissable par son couvre-chef à ailettes et par les oni essayant de fuir son courroux, ou qui se jouent de lui. Aucune autre figure n’est autant représentée dans l’art japonais que Shoki. De nombreuses variantes dans l’illustration de la légende de Shoki témoignent de l’imagination inépuisable des artistes.
Sarutahiko no Mikoto charmé par Okame
Sarutahiko no Mikoto est un kami, (divinité shintō) qui barrait l’accès à la terre lorsque le premier empereur mythique du Japon, Ninigi no Mikoto voulut descendre du Takamagahara, la résidence des Dieux immortels, envoyé par sa grand-mère Amaterasu.
La déesse Okame utilisa alors ses charmes pour permettre à l’empereur de passer. Sur cette tsuba, le prêtre, situé au premier plan, est reconnaissable par son long nez qui, dit-on, pouvait faire jusqu’à sept coudées. Il regarde la déesse Okame, arrivant sur des nuées et découvrant sa poitrine.
A l’arrière de la tsuba, trois assistantes de la déesse Amaterasu présentent les trois trésors à son petit-fils : le magatama, ornement en jade évoquant une croc, le yata, un miroir, et l’épée de Kasunagi. Ces trésors confèrent à l’empereur du Japon son pouvoir.
Minamoto no Yoshitsune est l’une des plus grandes figures héroïques du Japon. Élevé par des moines pour devenir héros de guerre dans les combats qui opposa les Taira et les Minamoto, puis amant de Shizuka Gozen, il connait une mort tragique et ces évènements en font l’un des personnages les plus représentés dans les légendes japonaises.
Épisodes de la vie de Yoshitsune : la descente du Hiyo-dori goye et le repêchage de l’arc
Cet épisode précède la célèbre bataille de Dan no Ura qui scelle la suprématie du clan Minamoto sur celui des Taïra.
En 1181 les Taïra sont retranchés à Ichi no Tani dans une forteresse qui s’appuie sur de hautes montagnes dans lesquelles se trouve la passe de Hiyo-dori goye.
Cette passe est réputée pour sa descente si abrupte que même les sangliers n’osent pas l’affronter. Yoshitsune, général de l’armée des Minamoto, mène les opérations. Avec trois cents soldats, il risque la descente vertigineuse sur son cheval Tayu guoro. Les Taïra, surpris, ne purent tenir sous l’assaut et furent écrasés.
En mars 1185 se déroule la fameuse bataille navale de Dan no Ura, gagnée par Yoshitsune. Au plus chaud de cette bataille, Yoshitsune, par un mouvement brusque, fait tomber son arc à l’eau. Les soldats le suppliaient de ne pas s’exposer aux flèches mais il répliqua : « Si c’était l’arc de mon oncle Hachiro Tametono je l’aurais laissé prendre par l’ennemi mais je ne désire pas qu’il sache de quelle petite taille est celui-ci. » En effet Yoshitsune était de très petite taille alors que Tametono était un athlète géant.
Goban Tadanobu, fidèle compagnon de Yoshitsune
Tadanobu était un des serviteurs principaux de Yoshitsune, frère cadet du premier shogun Minamoto no Yoritomo. L’épisode fait référence à une anecdote avant son accession au shogunat. Yoritomo, jaloux du succès de son frère lors de la bataille de Dan no Ura, lui refuse l’entrée dans la ville après sa victoire. Yoshitsune décide alors de s’exiler.
Mais Yoritomo fait envoyer des hommes afin de tuer son frère. Il est prévenu à temps par sa favorite Shizuka, mais Tadanobu est, lui, trahi par la sienne, Manju. Réveillé en pleine nuit par les hommes de Yoritomo, il attrape une table de jeu de Go et abat une partie de ses assaillants tandis que le reste s’enfuit. Il est, depuis cet épisode, appelé Goban Tadanobu en référence à la table de Go, Goban.
Takeshiuchi no Sukune recevant les joyaux qui commandent aux marées
Takeshiuchi est un homme d’Etat et un guerrier légendaire auquel on attribue une durée de vie entre 150 et 360 ans. Il était le fidèle compagnon de l’impératrice Jingo Kogo avec laquelle il aurait envahi la Corée, puis de son fils Ojin, dont il se fait le gardien. Il aurait durant sa vie servi six empereurs.
Takeshiuchi adopte les vêtements d’un noble de rang élevé que sont le couvre-chef et la robe. Il porte des souliers en peau de tigre et est représenté sous les traits d’un vieillard à longue barbe.
Dans cet épisode de sa légende, il est assis sur le rivage et reçoit le messager du roi-dragon Ryujin. Ce dernier lui apporte les joyaux qui commandent aux marées. Ces joyaux vont permettre à l’impératrice Jingo de s’emparer de la Corée en contrôlant la descente et la montée de la marée.
La pénitence de Mongaku, le samouraï devenu moine
Mongaku Shonin est le nom de moine du samouraï Endo Morito, capitaine dans l’armée du clan des Taïra au XIIe siècle.
Il tombe amoureux de Kesa, la jolie femme du samouraï Watanabe Wataru. La jeune femme repousse ses avances puis finit par céder. Elle lui dit qu’il peut passer dans sa maison un soir dès que la nuit serait tombée pour tuer son mari. Cependant Kesa se substitue à Watanabe. Elle endosse ses vêtements afin de sauver son honneur. Endo Morito lui tranche la tête d’un coup de sabre sans le savoir.
Ecrasé par les remords, il se rase la tête et prend l’habit monastique sous le nom de Mongaku Shonin. Il décide d’entrer en pénitence et se poste en plein hiver pendant vingt et un jours sous une cascade glaciale tenant une clochette entre ses dents et récitant son chapelet.
Lorsque Fudo, Dieu des Cascades, trouva que ses souffrances avaient assez duré, il lui envoya le pardon par un de ses deux messagers Seitaka. Ce dernier est reconnaissable par la fleur de lotus qu’il tient dans sa main droite.
Songoku, le roi des singes et la Montagne des Cinq Doigts
Songoku, en chinois Sun Wukong, est le singe-serviteur du moine chinois Sanzo Hoshi, ou Xuanzang. Avant de le servir, il était le Roi des Singes. Sur les conseils des vieux singes, il avait suivi l’enseignement d’un Maître taoïste afin de devenir immortel. En se rendant dans le Royaume des Mers, il obtient du Roi-Dragon le pilier qu’utilisait jadis le grand empereur mythique Yu. Il le rétrécit pour qu’il puisse tenir dans sa main et l’appela le Bâton Cerclé d’Or. Ce bâton pouvait prendre la taille que son possesseur désirait. Comme plusieurs plaintes furent déposées contre lui à l’Empereur de Jade, celui-ci envoya son armée pour capturer Songoku, en vain. C’est finalement Erlang, aidé du patriarche Laojun et du Bodhisattva Guanyin, qui réussit à capturer le singe rebelle. Songoku fut condamné à toutes les exécutions possibles mais aucune n’aboutit.
Enragé, le Roi des singes décida de tout saccager dans le Ciel mais fut confronter à Bouddha qui le défia de quitter la paume de sa main. Le Singe perdit et Bouddha l’enferma dans sa main qu’il transforma en montagne, la Wushouzhishan ou Montagne des Cinq Doigts. Songoku purgea une peine de 500 ans jusqu’à ce que le moine Xuanzang vienne le délivrer. Il devint son serviteur.
Le passage du gué de la rivière Uji par Kagesuye et Sasaki Takatsuna
Lors de la Grande Guerre, le héros Yoshitsune pensait trouver ses ennemis, les Taïra, près de la rivière Uji. Kagesuye, un de ses généraux, décida de traverser ce cours d’eau en passant par un gué indiqué par Sasaki Takatsuna, autre général de Yoshitsune, qui connaissait admirablement bien le pays.
Mais Sasaki, jaloux de se voir devancé par Kagesuye eut recours à une ruse. Il lui cria que la sous-ventrière de son cheval était desserrée. Kagesuye s’arrêta et Sasaki en profita pour s’engager dans le gué et arriver le premier sur la rive opposée.
Dans cet épisode très fréquemment représenté sur les tsubas, Sasaki Takatsuna est reconnaissable à l’arc qu’il tient dans sa bouche.
Nakakuni jouant de la flûte à Kogo no Tsubone
Nakakuni était un noble à la cour de l’empereur Takakura au XIIe siècle renommé pour son talent de flûtiste. Il est ici représenté jouant de son instrument fétiche pour Kogo no Tsubone, favorite de l’empereur Takakura. Cette dernière, craignant l’impératrice à cause de l’affection que lui portait l’empereur, s’était enfuie du palais. L’empereur la fit chercher pendant trois ans en vain. Nakakuni se proposa alors de la retrouver.
Un soir qu’il traversait à cheval le village de Saga, il entendit les sons d’un koto, harpe dont les cordes sont attachées sur une caisse de résonance posée à plat. Il reconnut le jeu de Koto de Kogo no Tsubone qu’il se vantait de distinguer entre 1 000.
Yoshitsune arrive au château de Fujiwara no Hidehira
Cette tsuba illustre un épisode après la victoire de Yoshitsune à Dan no Ura. Fuyant la jalousie de son frère Yoritomo, il s’exile dans la province de Mutsu gouvernée par Fujiwara no Hidehira au nord du Japon.
Accompagné de son fidèle serviteur le moine Benkei, il se déguise en yamabushi afin de s’enfuir sans être découvert. Les yamabushi sont des moines-guerriers des montagnes dont Benkei faisait partie. On les reconnaît à leur habit, mi armure de samouraï, mi habit monastique. Ils portent également au niveau du front une coiffe, le tokin, qui prend la forme d’une petite boîte noire et transportent à l’aide de paniers, les oi, leur équipement.
Sur cette tsuba, Yoshitsune arrive au château d’Hidehira et lui présente son casque attestant de son identité. En effet ce casque, très particulier par sa forme avec deux grandes kuwagata et fabriqué par un des forgerons de la famille Myochin, permettait de reconnaître Yoshitsune.
Izanagi et Izanami sur le Pont des Cieux
Izanagi et Izanami sont les deux kami frère et sœur créateurs du Japon et de sa population. Ces deux divinités furent chargées par les autres kami de consolider la terre encore flottante. Ils leur donnèrent pour les aider une lance « en bois du Pont des Cieux » sertie de joyaux sacrés. Izanagi l’utilisa pour remuer la masse sombre sous le pont où ils étaient assis. Les gouttes qui tombent de la lance merveilleuse se transforment en îles, créant ainsi l’archipel japonais. L’île d’Onogoroshima est selon la légende la première constituée. Cette légende de l’histoire cosmogonique japonaise nous est connue par le Nihonki.